C’est d’un banal pour le Mistral de transporter un hélicoptère ! Mais cette fois, ce n’est pas pour son propre usage que le porte-hélicoptère amphibie transportait l’aéroplane depuis La Réunion, plutôt pour épauler les maigres moyens aériens basés à Mayotte, que l’on peut écrire au singulier, puisqu’il s’agit de l’unique Ecureuil de la gendarmerie nationale. « A partir des modes d’utilisation et de la fréquence des besoins, nous en déduirons l’éventualité de pérenniser l’opération sous la forme d’un appareil basé ici », évoquait Dominique Voynet en conférence de presse ce lundi. Le CHM s’était d’ailleurs doté en octobre dernier d’une belle hélistation.
Il s’agit d’un hélicoptère civil de la société Helilagon, basé à La Réunion, qui y propose notamment des survols touristiques. Il permettra d’acheminer les malades plus rapidement des Centre médicaux de référence vers l’hôpital, « le temps que durera la crise ».
Le staff de la préfecture, Jean-François Colombet en tête, s’était déplacé, masqué, sur le quai n°2 à Longoni ce lundi pour accueillir les 500 tonnes de cargaison du Mistral. « A partir de jeudi, jour de distribution dans les boite aux lettres, tout le monde devra porter un masque », glissait d’ailleurs le préfet. Pas d’arrêté préfectoral, « c’est le bon sens qui le dicte. Si deux interlocuteurs en portent, le risque d’attraper le virus est de 1%, s’il n’y en a qu’un, il est de 30%. » A partir du déconfinement, tout le monde devra en porter dans les transports en commun comme en métropole, « y compris la barge », et théoriquement dans les taxis, « c’est un transport en commun ! », appuyait le préfet.
Un appui anti-pénurie et… gratuit
L’hélicoptère privé s’était déjà envolé du Mistral vers sa mission sanitaire, mais il s’agissait surtout pour le préfet d’expliquer les raisons de ce « pont commercial », les navires militaires livrant plus de marchandises alimentaires et autres, que de produits sanitaires : sur les 855 palettes, prés de 500 étaient garnies de boissons, eau et jus de fruit, 170 de farine, sucre, etc., le reste se décomposant en véhicules et en fournitures de chantier notamment pour Vinci et Colas, détaillait le préfet, et en matériel sanitaire (essentiellement de la solution hydroalcoolique), des groupes électrogènes pour EDM, et des produits surgelés.
Des quantités qui peuvent paraître impressionnantes, mais qui ramenées à la capacité d’un container, font perdre du gigantisme au Mistral. Les 500 tonnes de sa cargaison représentent environ 20 containers, or les navires commerciaux qui n’ont pas arrêté de toucher le port en manutentionnent entre 200 et 900 par escale. Le préfet justifiait malgré tout cet impératif par un problème de logistique à l’échelle mondiale : « Le trafic maritime est actuellement très désorganisé sur le plan international, nous traversons une période de crise. Et nous risquions de nous retrouver en pénurie en plein Ramadan. D’autre part, les entreprises privés avaient du fret en souffrance ». Pas de manque d’eau, nous certifiait le représentant de l’Etat alors que des masses de palettes de packs d’eau défilent pourtant devant nos yeux, « mais de riz », même s’il ne s’agit pas de l’aliment le plus couru pendant le Ramadan.
Le transit par ces navires militaires est gratuit, c’est donc tout bénéf pour les entreprises privées qui les sollicitent. Egalement, et étant donné qu’il s’agissait au départ de secours aux population, les prestations de manutentions par les sociétés MCG et CMAT-SMART sont offertes, ainsi que les mises à disposition des containers par CMA-CGM.
Un test grandeur nature d’avion sanitaire
Si l’hélicoptère sanitaire a rapidement joué les filles de l’air, le Mistral a mis à disposition un des siens pour faire de la LIC, la Lutte Contre l’Immigration Clandestine, informait Jean-François Colombet : « Il a tourné pendant 20h au-dessus du lagon, sans rien détecter. Par contre, nous avons eu un beachage avec interpellation des passagers du kwassa, qui ont été placés en quatorzaine au CRA, pour y être testés. Mais nous sommes plutôt sur du transit économique, notamment de tabac. »
Des moyens aériens, Mayotte espère en être dotée de manière plus pérenne. C’était en tout cas un des vœux de Nouvel An de la directrice de l’ARS, sous la forme d’un avion sanitaire. Dans un premier temps, un contrat a été passé pour 3 mois, « dans le cadre de l’état d’urgence, nous l’avons affrété la semaine dernière en prévision du pic épidémique », indiquait Dominique Voynet, et de permettre de combler le manque créé par la suspension des vols commerciaux, « les fréquences actuelles ne sont pas suffisantes ». Notamment pour les évasan vers La Réunion, rendues nécessaires par l’accroissement des hospitalisations en médecine à Mayotte.
Mais à plus long terme, « et en fonction de la fréquentation et des besoins », un appareil basé à Mayotte pourrait être envisagé, expliquait la directrice de l’ARS : « Nous gagnerions un temps considérable sur la situation actuelle qui implique d’attendre l’arrivée d’un appareil depuis La Réunion. D’autre part, l’avion de Run aviation est trop petit, offrant une capacité d’une seule civière. » Il faudra alors passer par un appel d’offre européen au niveau des fonds.
Anne Perzo-Lafond