Ils sortent un à un d’un bus à demi-rempli pour cause de sièges condamnés : les tee-shirt bleu se mettent en rang, avec une première retouche, « vous devez garder au moins un mètre entre vous », expliquent les agents du collège Frédéric d’Achery de Koungou. Les 6ème contactés un par un au téléphone, suivent un chemin matérialisé par des plots, en apprenant à mettre un masque chirurgical, « y compris pour ceux qui en portent un en tissu, ils le reprendront en sortant », puis devant les infirmières scolaires pour une prise de température et le lavage avec du gel hydro-alcoolique. Sous les yeux de la principale, Sophie Bourdin.
Elle est à la tête d’un des 6 collèges qui ouvrent leurs portes dès ce mardi sur l’île, les autres échelonnant sur la semaine. Son dynamisme ayant déjà fait ses preuves par le passé, nous sommes à peine surpris qu’elle soit venue à bout de l’organisation exceptionnelle mise en place. Elle est quand même sur le pont depuis 5h30 ce mardi matin : « C’est un dispositif énorme, qui n’aurait pu être mis en place sans la participation des 20 assistants d’éducation, des 15 agents et de 92 professeurs. Nous avons ouvert 45 salles de classe, avec un maximum de 13 élèves par classe. Ils y resteront toute la matinée, ce sont les professeurs qui se déplaceront. Si l’un d’entre eux veut aller au WC, un surveillant sera présent avec du savon, et il se désinfectera de nouveau les mains de retour en classe. »
« Elle se sentait en vacances »
La cloche a sonné à 7h10, avec plusieurs retardataires en raison de la contrainte des demi-bus, et les élèves sortiront à 11h15. « L’après-midi est consacrée à la désinfection des salles, avec un accent mis sur les interrupteurs, sur les rampes, sur les poignées de porte. » Le prix à payer pour éviter toute contamination tout en reprenant le chemin de l’école.
Et ils ont répondu à plus de 90% présents, 388 élèves sur 420 attendus. Roukia, la maman d’Émeline, est venue sur place pour se rendre compte. Derrière son masque, elle se dit soulagée : « Ma fille n’a pas du tout travaillé pendant ce confinement, elle avait un ordinateur mais ne m’obéissait pas, elle se sentait en vacances. Au début, j’avais peur qu’elle retourne en classe, mais son professeur m’a rassurée. Et là, je vois que c’est bien organisé ».
En arrivant dans la cour, les élèves sont orientés par une kyrielle d’enseignants et d’agents vers leurs classes. Outre les mesures barrières, ils apprendront à ne plus se prêter leur stylo, à ne plus changer de salles entre deux cours, à ne pas jeter les masques usagés dans la nature.
Contamination, la preuve par 9
Arrivée en courant, Samia est en retard, c’est un retour devant son cahier après avoir un peu travaillé pendant ces deux mois, « je n’avais pas d’ordinateur, mais on a reçu des cours des professeurs ». Justement, nous avons évoqué avec Sophie Bourdin, le contenu pédagogique de cette reprise des cours : « Les enseignants vont reprendre les 5 dossiers délivrés pendant le confinement. Nous avons contacté en priorité les élèves décrocheurs, et la cinquantaine de non lecteurs-non scripteurs. Quant à ceux qui suivent le mieux, certains sont là aujourd’hui, les autres sont en télétravail, avec des cours toujours envoyés sur le site du collège, sur ENT ou sur les classes virtuelles ».
A 8h, les profs étaient déjà entrés dans le vif du sujet, « what’s the day today, and the day after ? », des doigts se lèvent. A côté, le prof de maths s’est lancé dans l’explication de la propagation du virus, « si sans masque je contamine 3 personnes, combien seront touchées ensuite ? ». C’est intergénérationnel, la table de 9 a du mal à passer !
Après cette semaine de cours, les 6ème ne reviendront en cours que début juillet. Ils resteront en effet chez eux la semaine prochaine pour permettre à l’établissement d’accueillir de la même manière les 5ème, et ensuite les 3ème. Pour cela, la principale dispose de plus de 7.000 masques, de 40 litres de gel, « nous avons de quoi tenir 4 semaines. »
La collation sera distribuée en une seule fois ce mercredi, correspondant à la période du 17 mai à fin juin, « 7 kilos de denrées, avec des jus de fruit, du lait, des yaourts, des barres de céréales, etc. »
Mayotte a rattrapé le calendrier national en ouvrant ce mardi 6 collèges et 2 lycées. « C’est à la fois une réappropriation de l’école par l’élève, mais aussi une répétition générale avant la grande rentrée d’août », veut Sophie Bourdin.
Anne Perzo-Lafond