Le cluster du centre pénitentiaire de Majicavo a failli passer entre les mailles du filet. Seuls quelques cas ont permis de tirer la sonnette d’alarme et de dépister tous les autres.
La première alerte a été donnée fin avril quand plusieurs surveillants pénitentiaires ont présenté des symptômes. Dépistés positifs, ils ont été placés en isolement et des mesures de tests et de quatorzaine ont conditionné la poursuite du travail pour les autres. Le 22 mai, trois détenus ont à leur tour présenté des symptômes, ce qui a permis de savoir que le virus avait franchi les murs de la prison. Dès lors, il fallait faire vite.
“Une réunion a été montée avec le directeur de la prison et le service médical des détenus qui est géré par le CHM”, explique le Dr Dennetière, responsable de la cellule de veille sanitaire à l’ARS de Mayotte. “Il a été décidé que l’ensemble des détenus et des surveillants devaient être testés pour faire un point à un temps T et dans la mesure du possible isoler les positifs et les séparer des personnes négatives. Ce dépistage généralisé a commencé vendredi dernier et s’est étendu jusque lundi pour les détenus, et ce mardi pour le reste des surveillants. C’est une grosse opération, montée par le CHM avec l’appui des médecins et infirmiers de la réserve sanitaire.”
En tout, 328 détenus ont été testés. Parmi eux, 181 étaient positifs, soit 55% de la population carcérale de Mayotte. “C’est un taux très important mais peu surprenant dans un milieu complètement fermé” analyse le médecin qui fait l’analogie avec l’épidémie à bord de navires comme le porte-avions Charles-de-Gaulle.
Une réorganisation au pas de course
Un taux important qui aurait pu passer inaperçu, puisque 80% des dépistés ne présentaient aucun symptôme. ” La particularité des détenus de Majicavo, c’est leur âge. La population [carcérale] a en moyenne 22 ans, c’est une population très jeune qui présente peu de signes. Ils n’ont pas de facteur de risque, pas de comorbidités. Une poignée a un peu de diabète mais il n’y a pas de grosses comorbidités. Si on n’avait pas eu les quelques cas de fièvre, on serait passés totalement à côté” poursuit la praticienne.
Si les tests ont été menés tambour battant durant tout le week-end, la direction de la prison n’a pas attendu tous les résultats pour prendre des mesures drastiques.
Au delà des tests, “ce qui est compliqué c’est qu’il faut réorganiser toute la géographie du centre de détention et des différents quartiers de Majicavo de telle sorte qu’on ne maintienne pas ensemble des personnes positives et négatives, ce qui n’est pas toujours totalement possible. Dans les cellules où ce n’était pas possible ont été mises en place des mesures barrière avec masque et solution alcoolique” détaille le Dr Dennetière.
A cela s’ajoute un nettoyage accru des cellules et des communs, mais aussi une organisation repensée. “La maison d’arrêt des femmes qui ne contient pas de détenues femmes est entièrement Covid” illustre le médecin. Les mineurs sont quant à eux confinés en cellules individuelles dans le quartier des mineurs.
Le reste des tests devrait être connu ce mercredi.
Avec une population jeune et un tel taux de positivité, la question se pose pour l’extérieur, où moins de 20% des tests menés sont positifs. Selon Genevière Dennetière, ce n’est pas paradoxal. “Il faut bien comprendre que le virus est très contagieux en milieu fermé, mais beaucoup moins transmissible quand on est dehors”
Y.D.
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