La situation épidémiologique serait « stable » à Mayotte selon l’ARS. Si de possibles foyers sont encore à craindre, en dehors de la prison et du centre de dialyse Maydia, on peut relever un peu la tête et regarder autour de nous, par delà nos frontières. Un coup d’œil sur la situation régionale qui n’est guère rassurant.
En Union des Comores, les chiffres officiels font état de plus de 130 cas déclarés et deux décès le 2 juin. Mais 26 nouveaux cas enregistrés dans une journée sont uniquement imputables à l’île d’Anjouan, selon les données du gouvernement, île d’où partent les kwassas qui se rendent clandestinement à Mayotte. Une équipe de 14 experts (épidémiologistes, infectiologues, réanimateurs), a été envoyée jeudi dernier par le bureau régional de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour l’Afrique. Avec comme objectif de renforcer le système de santé et de pallier l’insuffisance des ressources humaines.
La situation est plus inquiétante à Madagascar. On dénombrait prés de 1.000 contaminations ce week-end et 7 décès des suites du Covid-19 selon un bilan de ce dimanche 7 juin. Avec un rythme croissant du nombre quotidien de cas. Ils sont concentrés dans la 2ème ville du pays, Tamatave, qui a été replacée en confinement total par le gouvernement la semaine dernière. Des émeutes y ont éclaté mercredi, après que les forces de l’ordre aient malmené un homme qui refusait de respecter le confinement. La situation est à regarder de prés, des tensions là-bas pouvant se répercuter ici par l’arrivée de réfugiés.
Ne pas tomber dans le syndrome guyanais
Ces îles sises à une journée de navigation de Mayotte, sont donc surveillées avec attention. L’exemple de la Guyane incite à la vigilance. Alors que l’épidémie y semblait jugulée, ce département français ultramarin subit le contexte en forte détérioration de l’épidémie en Amérique latine, devenue le nouvel épicentre de la pandémie mondiale. Notamment en raison de sa frontière commune avec le Brésil, devenu le 4 juin le 3ème pays au monde déplorant le plus de décès liés au coronavirus.
Ce qui a incité le sénateur de Guyane Antoine Karam à interpeller le ministre de la Santé Olivier Véran sur la porosité de cette frontière : « Un dispositif de coordination et de mutualisation des moyens ne pourrait-il pas être mis en œuvre dans le cadre de la coopération transfrontalière ? », interrogeait-il par la voix de confrère sénateur Mahorais, Thani Mohamed Solihi.
C’est un peu la question que nous avons posée à Julien Kerdoncuf, sous-préfet en charge de la Lutte contre l’Immigration Clandestine (LIC) à Mayotte. Un secteur en sous-activité ces temps ci, depuis la fermeture des frontières le 17 mars, et l’arrêt des reconduites des étrangers en situation irrégulière vers les Comores. Le sous-préfet n’a pas pour autant frôlé le chômage, pour gérer entre autre, les relations avec les territoires de la région, notamment les rapatriements des mahorais et des étudiants qui y séjournaient encore.
Le retour du CRA
Sur le plan des reconduites à la frontière, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian avait demandé aux Comores d’accueillir de nouveau leurs ressortissants. « Des tractations sont en cours pour une reprise rapide des reconduites », évoque le sous-préfet. Depuis le début de déconfinement, le Centre de Rétention Administrative (CRA) a repris sa fonction et n’est plus un lieu de mise en quatorzaine. Se pose la question de l’éventuelle contagiosité des personnes reconduites. En temps normal, elles séjournent au CRA au maximum 48h, il va donc falloir se réorganiser pour s’assurer de leur non positivité, « cela fait l’objet de discussions avec l’Union Européenne ».
Quant au risque de voir des kwassas ambulances de malades Covid+, Julien Kerdoncuf se fait l’écho des remontées de ses services : « Lorsqu’un kwassa arrive sur la plage avec des malades, nous les testons systématiquement et, à ma connaissance, aucun n’était porteur de virus. Sinon, nous continuons à refouler les kwassas que nous interceptons en mer, en les raccompagnant en dehors de nos eaux, et en s’assurant qu’ils aient assez d’essence. »
Un surcroit de moyens a été déployé pour cette surveillance maritime, « nous avons porté de trois à cinq le nombre de bateaux qui surveillent la zone H24 ».
Les entrées régulières aériennes ou maritimes ne se font pas non plus, ni depuis les Comores, ni depuis Madagascar : « Les frontières de la France restent fermées avec les pays extérieurs à l’Union Européenne, et les vols commerciaux suspendus. Et je rappelle que Mayotte est le seul département à avoir fermé son aéroport aux liaisons commerciales ». Néanmoins, et dans l’optique des reconduites, des vols dédiés pourraient être mis en place avec les îles voisines, permettant en retour, l’acheminement de fret sur notre territoire.
Anne Perzo-Lafond