« L’élection (…) sera purement et simplement annulée » écrit l’avocat Me Nadjim Ahamada dans son courrier au tribunal administratif. Dans ses écritures en date du 20 mars dernier, le juriste liste une série d’irrégularités sur le premier tour des municipales dans la commune qui constituent selon ses clients de quoi remettre en cause « la sincérité du scrutin » au point de rappeler les électeurs aux urnes. Par exemple dans le bureau de vote 32, « le PV fait état de 380 signatures sur la liste d’émargement mais il a été retrouvé 384 bulletins dans l’urne. Ce qui signifie concrètement qu’il y a eu bourrage d’urne » affirme le document qui conteste aussi le décompte des voix, « le nombre de suffrages exprimés est de 368, or il n’a été comptabilisé que trois bulletins nuls et cinq bulletins blancs », preuve d’une « irrégularité manifeste » selon la requête. Plusieurs écarts entre nombre de votants et nombre de bulletins sont ainsi relevés.
Mais le document exprime aussi une certaine « perplexité » face aux bulletins où… tout va bien.
Dans le bureau 63, « le nombre de signatures correspond parfaitement au nombre d’enveloppes, ce qui est étonnant car il y a toujours des erreurs sur le nombre de signatures ou d’enveloppes ».
L’avocat interpelle aussi la justice sur des bureaux où les procurations sont arrivées après l’ouverture du bureau et évoque des cas de votes multiples, parlant de « fraude ».
Mais quand bien même il y aurait eu des volontés de truquer l’élection, encore faudrait-il prouver que cela ait modifié le résultat du vote pour en provoquer l’annulation. L’invalidation du résultat d’un ou plusieurs bureaux étant aussi une possibilité.
La théorie de l’influence déterminante
Or, « S2O » a obtenu plus de 60% des voix dès le premier tour, soit 1711 votes sur 2839 suffrages exprimés
Or, sur son site Internet, le Conseil constitutionnel est très clair sur la notion de sincérité des scrutins et les conditions d’annulation :
« La théorie de l’influence déterminante est au contentieux électoral ce que celle des formalités substantielles est au contentieux de la légalité.
En cas de fraude, le scrutin n’est annulé que si celle-ci a eu une influence sur le résultat, le juge électoral n’étant pas juge de la moralité du scrutin mais de sa sincérité et donc de l’adéquation entre le résultat proclamé et la volonté majoritaire librement exprimée des électeurs.
C’est la raison pour laquelle l’écart de voix joue souvent un rôle décisif dans ce type de contentieux.
Cependant, en cas de manœuvres frauduleuses massives, l’atteinte à la sincérité du scrutin est présumée.
L’autre problème qui se pose ici est celui de l’identification de l’auteur de la fraude. Si l’on peut déterminer à qui profite la fraude, il est extrêmement difficile d’en identifier avec certitude l’auteur ce qui n’est pas sans conséquence sur les pouvoirs du juge électoral. Ce dernier a le choix entre deux possibilités: l’annulation pure et simple du scrutin ou sa réformation c’est-à-dire la proclamation de l’élection du candidat initialement déclaré battu. »
Or, les quelques dizaines de voix susceptibles d’être annulées ont peu de probabilités de faire basculer le scrutin, étant donnée l’avance du maire sortant sur ses opposants. L’hypothèse la plus vraisemblable reste que Labattoir garde son maire.
Ni Me Ahamada ni le maire n’étaient joignables hier pour fournir plus de précisions sur cette procédure.
Lire : requete-20032020165643
Y.D.