JDM : « Combien de communes ont ouvert leurs écoles, et quels sont les premiers constats ? »
Gilles Halbout : « Cinq n’ont pas encore ouvert. Pour les autres,ça n’a pas été toujours facile, il a fallu dialoguer longtemps avec les parents qui étaient réticents. D’autre part, certaines écoles nécessitaient des améliorations techniques, notamment en matière de points d’eau. Nouvelle difficulté, de plus en plus de parents veulent qu’on accueille leurs enfants en dehors des jours réservés à chaque section, c’est le cas à Koungou ou à Mtsangamouji. Il faut voir comment on peut l’organiser en respectant le protocole sanitaire. »
Quels sont les arguments des maires qui ne veulent pas ouvrir ?
Gilles Halbout : « Certains se disent inquiets de la situation sanitaire de l’île, d’autres expliquent que leurs écoles ne sont pas prêtes. Nous les accompagnons systématiquement. »
Parmi les réticents, un des maires met en avant les failles du système scolaire à Mayotte, et voudrait brandir la crise du Covid comme un moyen de pression pour revoir le fonctionnement des écoles. Quelle est votre réaction ?
Gilles Halbout : « C’est sûr qu’à Mayotte il y a encore beaucoup à faire pour améliorer le système scolaire, on ne peut que partager ce constat. Mais je veux mettre en avant les évolutions considérables que nous venons de mettre en place et dont nous récolterons les fruits plus tard.
Le focus sur les CP-CE1 dédoublés qu’on ouvre en priorité car ce sont des classes charnières pour l’apprentissage du français, à l’oral et à l’écrit. Les résultats seront visibles à l’entrée au collège, dans 3 à 4 ans. Dans l’esprit d’accélérer la scolarisation précoce, j’annonce l’ouverture de 700 places en plus dans le premier degré, en plus de celles qui suivent l’évolution démographique, et essentiellement en maternelle pour l’apprentissage du français.
Nous avons mis en place des classes « sas » avec un enseignement adapté en 6ème, elles seront accentuées lors de la prochaine rentrée.
Et pour les plus grands, nous développons l’accès à la poursuite des études vers les filières professionnelles, pour empêcher le décrochage qui mène à la délinquance, en rajoutant 2.000 places dès la prochaine rentrée en lycée.
Nous travaillons aussi sur le plurilinguisme en maternelle et en primaire, en intégrant la richesse d’une langue différente du français, plutôt que de faire comme si tous les enfants parlaient français à la maison.
Enfin, nous avons en prévisions pour les années à venir, les constructions de classes supplémentaires dans le premier degré, de 9 collèges, pour les désengorger, et de 4 lycées, ces derniers en remplacement des établissements actuels, pour les mettre aux normes métropolitaines. »
Les vacances 2020 seront studieuses
Un autre maire déplore le déploiement de moyens considérables au regard du nombre d’élèves re-scolarisés.
Gilles Halbout : « Chaque journée gagnée en retour en classe est bénéfique pour les enfants. Souvent, même si je ne le cautionne pas, on lève le pied dans les écoles fin juin. Là, chaque jour compte si on veut éviter 6 mois d’interruption. C’est insupportable. Pour beaucoup d’enfants, l’école c’est tout, à la fois sur le plan de l’éducation mais aussi de la langue et du contact social. D’ailleurs, il ne reste pas seulement 4 semaines d’ici la fin de l’année scolaire, nous mettons en place tout un dispositif de rattrapage pendant les vacances.
Les « stages de réussite » sur les première et dernière semaines des vacances, pour reprendre les apprentissages chez les élèves en difficulté. Pendant les vacances, les écoles, collèges et lycées, resteront ouverts avec des enseignants volontaires, pour des « activités apprenantes », autour de la citoyenneté, du sport, de la culture. Des modules de soutien les mercredis après-midi aideront à la rentrée les élèves en difficulté, et nous renforcerons l’usage du numérique. »
Pas d’action judiciaire contre les maires réticents
En Guadeloupe, les parents d’élèves, le préfet et le recteur ont remporté une action judiciaire contre les maires qui n’ouvraient pas leurs écoles. Est-ce envisagé ici ?
Gilles Halbout : « Je suis davantage sur une action de concertation avec les maires, pour lever leurs réticences, car ce sont nos partenaires, il faut instaurer une relation de confiance. »
Le cas d’un membre du personnel du lycée de Sada testé Covid+ nous est remonté, alors qu’il était présent lors de l’accueil des élèves. Quelles sont les mesures prises ?
Gilles Halbout : « Si un cas positif est déclaré, nous contactons l’ARS immédiatement. Et à Sada, le protocole sanitaire a été parfaitement respecté ce qui a permis de limiter les risques. Cette personne a assisté à une réunion avec ses collègues, dans la cour, en plein air, avec une distanciation d’un mètre et le port du masque pour tous. L’ARS a salué le dispositif mis en place, et a jugé qu’une mise en quatorzaine de ses collègues n’était pas utile. Nous prenons toutes les précautions nécessaires. D’ailleurs, il y a 10 jours, un cas avait été signalé par l’ARS dans une école, nous avons jugé prudent de retarder la rentrée. »
Quels sont les premiers bilans tirés de cette grande première, notamment pour la rentrée fin août ?
Gilles Halbout : « Beaucoup de familles et d’élèves étaient ravis de retrouver le chemin de l’école. Je remercie les équipes qui se sont fortement mobilisées, avec un encadrement conséquent. La question porte désormais sur la pérennité du dispositif. Nous ne desserrerons pas les contraintes, car l’organisation est exemplaire notamment au niveau des exigences sur le long terme. »
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond