Ça aurait pu être un remake du mauvais film de 2018. Ida Nel, la gestionnaire du port, avait refusé d’accorder à la SMART, le manutentionnaire du port, l’autorisation d’occuper sa surface portuaire (AOT), la privant d’exercer son activité. Une manœuvre destinée à récupérer la totalité du marché de la manutention de la part de la présidente de Mayotte Channel Gateway (MCG) à travers sa filiale Manu Port. Et bien qu’elle n’ait pas l’autorisation légale d’une telle culbute, à la fois sur la gestion du port, et sur la manutention, selon les nomenclature INSEE. Elle ripostait aussi à la décision du conseil départemental de retirer l’agrément à Manu Port, MCG ne lui fournissant pas les documents exigés dans le cadre d’une Délégation de Service Public (DSP).
Jusqu’à présent, le tribunal administratif a majoritairement tranché en faveur de la délégataire MCG. Entretemps, la SMART, en difficulté, a été rachetée par une filiale de CMA CGM, CMA-Terminals.
Trois opposants de taille cette fois
Pourtant, Ida Nel engage un bis repetita, la chute de la locution ne l’en n’a pas dissuadée… Par un courrier daté du 1er juin dernier, elle ordonne l’expulsion de CMA-T, au motif qu’elle n’a pas d’AOT, d’Autorisation d’Occupation Temporaire… qu’elle est seule à pouvoir lui délivrer. Une action contestée par trois entités cette fois : CMA-T en premier lieu, qui dépose un recours au tribunal administratif, et par le préfet et le conseil départemental dans une lettre conjointe, extrêmement virulente à l’endroit d’Ida Nel : « Votre décision (de priver CMA-T d’AOT, ndlr) ne relève pas tant de la défense de l’intérêt de la DSP qu’à vous approprier l’intégralité de la manutention et, de fait, d’organiser le monopole de l’aconage sur le port ». Le vent tourne…
Dans un jugement en référé (en urgence) rendu ce lundi, le juge se prononce en faveur d’une non-expulsion et ordonne à Ida Nel de délivrer une AOT à CMA-T « sous 5 jours ». Une décision alimentée par la volonté de ne pas perturber le fonctionnement du port. Et qui demande à être approfondie sur la légalité de l’action de MCG. Donc, parallèlement CMA-T dépose deux recours au fond : une pour la non attribution d’AOT, l’autre pour contester l’expulsion. Une décision très attendue qui pourra permettre de trancher une partie du débat. Et souvenons-nous qu’un rapporteur public de la maison avait indiqué que la manutention ne faisait pas partie du périmètre de la DSP. Mais cela ne s’est jamais traduit par un jugement.
De son côté, et alors que son courrier du 1er juin devrait suffire, Ida Nel engage un référé demandant l’expulsion. Avec toujours en toile de fond, l’idée de récupérer des navires à manutentionner, alors que le port connaît une baisse d’activité ce mois-ci.
Pour l’instant, l’activité du port n’est donc pas perturbée, la manutention se poursuit. Difficile de dire quand vont tomber les deux jugements au fond, après trois mois de perturbation de fonctionnement du TA en raison de la crise Covid.
Lire Ordonnance du 29 juin 2020
Anne Perzo-Lafond
Comments are closed.