« Mayotte subit une pression démographique très forte. Il était important de réaliser une étude sur un temps plus long pour prévoir les politiques publiques à appliquer en matière de santé, de scolarisation et de logement, entre autres », a déclaré Abdou Dahalani, le président du Cesem, en introduction de la présentation de l’étude de projection démographique qui s’est déroulée jeudi 16 juillet à 10h dans l’hémicycle du conseil départemental. Pour lui, cette étude permettra le calibrage des infrastructures afin d’offrir des services à la hauteur des réalités mondiales. 10 000 naissances par jour ont lieu à l’heure actuelle à Mayotte ce qui correspond à un besoin de construction d’une salle de classe par jour. Le président du Cesem tient à offrir à la population mahoraise des conditions de vie équivalentes à celles de la métropole. « Nous avons fait le choix d’être français. Nous devons donc être à la hauteur de ce choix », a-t-il déclaré. Grâce à une meilleure fiabilité de l’état civile aujourd’hui à Mayotte, cette étude sur la projection démographique à l’horizon 2050 a pu être réalisée par l’Insee avec le concours du Cesem, mais également de l’ARS et de l’université de Mayotte.
3 scénarios possibles
Le président du Cesem a ensuite passé la parole à Jamel Mekkaoui, directeur de l’Insee afin qu’il présente cette étude aux élus présents dans l’hémicycle. « Cette projection à l’horizon 2050 est un outil pour mettre en place les bonnes politiques publiques », a-t-il précisé en introduction. Cette étude porte essentiellement sur l’évolution des migrations avec trois scénarios possibles : un excédent migratoire, un solde migratoire nul ou un déficit migratoire. A l’heure actuelle, l’attractivité de Mayotte reste forte, notamment vis-à-vis des Comores. Entre 2012 et 2017, il y a eu +32 500 étrangers, un excédent dix fois plus important qu’entre 2007 et 2012. D’un autre côté, beaucoup de natifs de Mayotte partent s’installer ailleurs en France. Il y a eu un déficit de 25 900 personnes entre 2012 et 2017 soit deux fois plus qu’entre 2007 et 2012. Le solde migratoire reste donc positif avec + 1100 personnes par an. Aujourd’hui, trois quarts des mères sont nées à l’étranger et elles ont un taux de fécondité deux fois supérieures aux mères natives de Mayotte. Une baisse des migrations entraînerait donc une baisse des naissances.
Le scénario de l’excédent migratoire
Dans le cadre du scénario de l’excédent migratoire, l’Insee prévoit 760 000 habitants pour Mayotte en 2050 soit 3 fois plus qu’en 2017. Ce scénario reproduit la dernière tendance observée avec une arrivée massive de comoriennes âgées de 15 à 34 ans. Avec ce scénario, on prévoit 28 0000 naissances par an pour Mayotte et la densité de population serait de 2000 habitants/km² soit la densité de population actuelle de Petite-Terre. Mayotte deviendrait alors le département le plus peuplé de France après Paris et la petite couronne. Il est évident que dans ces circonstances, les maisons individuelles ne suffiraient plus et qu’il faudrait construire des immeubles. Mayotte resterait le département le plus jeune avec 51% de moins de 20 ans.
Le scénario du solde migratoire nul
Dans l’hypothèse d’un solde migratoire nul, 530 000 personnes vivraient à Mayotte en 2050 soit deux fois plus qu’en 2017. La croissance démographique annuelle diminuerait progressivement jusqu’à atteindre 2% en 2050. 13 000 bébés naîtraient par an à Mayotte soit deux fois moins que dans le scénario 1. L’espérance de vie augmenterait jusqu’à atteindre les 82 ans avec la baisse de l’immigration des personnes aux conditions de vie difficiles. Avec un solde migratoire nul, la population commencerait donc à vieillir. L’âge moyen des habitants de l’île passerait de 23 ans en 2017 à 30 ans en 2050.
Le scénario du solde migratoire déficitaire
Enfin si l’immigration diminuait, la croissance de la population baisserait selon la tendance observée avant 2012. 440 000 habitants vivraient à Mayotte soit 1,7 fois plus qu’en 2017. Le rythme de la croissance de la population resterait néanmoins plus important que la moyenne nationale, mais le nombre de femmes en âge d’avoir des enfants augmenterait plus faiblement que dans les scénarios précédents. Les naissances se maintiendraient en 2050 à leur niveau de 2017 soit 10 000 nourrissons par an. Selon ce scénario, la population mahoraise vieillirait encore davantage. La part de personnes âgées de 60 ans ou plus serait un peu plus élevée (14% contre 12% dans le cas d’un solde migratoire nul).
N.G