Alors que l’état d’urgence sanitaire a été prolongé à Mayotte jusqu’au 30 octobre prochain, un point sur la manière dont cette crise a été gérée jusque-là a été fait au sénat mercredi 22 juillet dernier. Ce point a été réalisé devant la commission d’enquête présidée par Alain Milon.
Une contextualisation du territoire
Dominique Voynet, directrice de l’ARS Mayotte, a pris la parole en premier. Elle a affirmé tout d’abord que la situation sanitaire était beaucoup moins préoccupante en ce moment qu’elle l’était au cours des mois de mai et de juin. Un gros cluster avait alors été repéré à la prison de Majicavo avec plus de 80% de détenus infectés. Depuis, il n’y a plus de clusters remarquables sur le territoire à part une dizaine de cas à la mairie de M’tsamboro. Elle a rappelé qu’à Mayotte, il y avait eu peu de situations graves du fait notamment de la jeunesse de la population. Néanmoins, 38 décès de la Covid 19 sont à déplorer. Elle a tenu à redonner le contexte mahorais qui présente une densité forte de population, souvent une grande précarité et une tradition de cohabitation intergénérationnelle qui a pu contribuer à faire tomber malade certaines personnes âgées malgré les 4% seulement de personnes de plus de 60 ans sur le territoire. Cependant, certaines personnes de 40 à 50 ans présentes des pathologies lourdes comme le diabète ou l’hypertension, ce qui les rend plus vulnérables à la maladie.
La faiblesse de la médecine libérale sur le territoire fait que 80% des soins sont effectués par le CHM et l’épidémie de Covid 19 s’est joint à une épidémie de dengue qui a fait davantage de dégâts. Mayotte avait 7 semaines de décalage par rapport à la métropole et les premiers cas ont commencé à apparaître au mois de mars. Dominique Voynet a rappelé qu’au départ le confinement a été bien respecté puisque le R0 est passé de 3 à 1. En revanche, avec la disparition de l’économie informelle, la population a souffert de la faim. Le manque d’accès à l’eau qui sévit à Mayotte s’est encore intensifié avec le confinement ce qui a mené certaines personnes à venir se ravitailler dans des rivières polluées.
Une gestion un peu trop centralisée de la crise
Décidée à dire « tout ce qu’elle pense », Dominique Voynet a pointé du doigt une gestion un peu trop centralisée de la crise et des décisions « brutales et inapplicables qui ont contribué à rendre le travail plus pénible et complexe ». La suspension brutale de tous les vols commerciaux à partir du 20 mars a notamment porté préjudice au fret sanitaire et à l’acheminement des personnels de santé sur le territoire. Des difficultés à s’approvisionner en biens de consommation courants ont également été notés par la directrice de l’ARS. La suppression des vols a conduit à des difficultés à évasaner des personnes très malades. Un avion sanitaire spécialement dédié à Mayotte ainsi qu’un hélicoptère ont donc dû être affrétés. La lourdeur interministérielle et les réunions inutiles en visioconférence ont également été pointés du doigt par l’ancienne ministre qui n’a pas mâché ses mots lors de cette réunion du sénat. Elle a salué en revanche la mise en place d’un réseau de santé communautaire constitué de nombreux bénévoles qui ont été une aide précieuse lors de cette crise.
20 000 masques dérobés
Catherine Barbezieux, directrice du CHM, a ensuite pris la parole pour affirmer que les professionnels de santé étaient au départ dans l’inconnu quant à cette maladie. Quand allait-elle arriver sur le territoire ? Telle était la grande question que se sont posés les professionnels de santé au début de la crise. Elle a en outre rappelé que la Covid-19 venait s’adjoindre à la dengue, la grippe, la bronchiolite et la leptospirose qui sévissaient déjà sur le territoire. « L’inquiétude chez les personnels de santé a néanmoins rapidement été maîtrisée », a-t-elle déclaré. Cependant, il a y eu beaucoup d’hospitalisations en urgence du fait que les patients étaient réticents à venir à l’hôpital de peur d’être contaminés. « Cela aurait pu être évité si les gens étaient venus plus tôt », a déclaré la directrice du CHM.
Au départ, le CHM possédait un stock de 225 000 masques, mais 20 000 d’entre eux ont été dérobés dès la première semaine de l’apparition de la maladie. « Nous avons dû faire des fouilles de sacs au sein de l’hôpital », a révélé Catherine Barbezieux. Cette dernière a également révélé que le CHM avait été confronté à beaucoup d’inquiétude concernant les évasans du fait de la suspension des vols commerciaux. Une quarantaine de lits ont cependant pu être mis à disposition dans le service de réanimation notamment grâce à l’aide de la réserve sanitaire et du détachement de service de santé des armées de l’hôpital militaire de Mulhouse. Le CHM a dû s’adapter rapidement à la situation en développant notamment l’hospitalisation à domicile et en ayant une meilleure coordination avec les professionnels libéraux. La télémédecine s’est également beaucoup développée pendant la crise du covid.
Donner des messages plus clairs aux Mahorais
Joëlle Rastami, membre de France Asso Santé Mayotte a quant à elle dénoncé les messages du gouvernement qui n’étaient pas forcément accessibles à la plupart des Mahorais. « Ces messages sont en français ou en alphabet arabe mal retranscrit ce qui n’a pas contribué à une bonne compréhension de la population », a-t-elle affirmé. Elle préconise donc une meilleure communication dans les messages gouvernementaux concernant la maladie. Pour elle, la place de la démocratie dans le système de santé reste donc à valoriser.
N.G
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