“On est contents de cette peine” commentent à la sortie de l’audience de comparution immédiate les quatre bénévoles de l’association de lutte contre la violence Bassi Ivo. Durant le procès du jeune homme qu’ils ont eux-même interpellé, ils avaient proposé que le garçon, surpris le 26 août dernier à jeter des cailloux avant de brandir un grand couteau, soit condamné à un travail d’intérêt général, si possible dans leur association “pour qu’il comprenne ce qu’on fait”.
C’est que le jeune prévenu a plus le profil du garçon sur la mauvaise pente que du délinquant chevronné, même s’il est convoqué en septembre, pour vol cette fois.
“On ne voulait pas qu’il aille en prison parce que c’est encore un jeune, explique en effet un des bénévoles. On pense que les êtres humains peuvent changer. Ce qu’on voudrait, c’est qu’il puisse faire son travail d’intérêt général avec nous pour qu’il comprenne le sens de ce qu’on fait.”
L’association, créée après l’homicide d’un père de famille du quartier en juillet tente d’assurer une présence dans la rue, et d’aller à la rencontre des jeunes qui errent pour proposer de les accompagner. “On connaissait bien ce jeune, souvent on le dépannait avec un peu d’argent, il a fait partie de notre association avant de s’en éloigner, il ne comprenait pas que c’était pour lui” résume en substance Chamass, un des bénévoles, appelé comme témoin à la barre.
Sur une mauvaise pente donc, le jeune adulte s’en était pris à des automobilistes, heureusement sans faire ni dégâts ni victimes. Quand les bénévoles sont allés vers lui pour tenter de le calmer, il a sorti une longue lame et proféré des menaces de mort, qui lui ont valu ce procès. Un des bénévoles lui avait alors arraché le couteau des mains tandis qu’un autre le maîtrisait avant d’appeler la police, qui l’a donc récupéré solidement ligoté.
Le procureur Folliet, favorable à une peine “clémente” mais qui soit “un avertissement”, a insisté sur la gravité des faits, surtout à des fins pédagogiques.
“Ce sont des faits simples mais extrêmement préoccupants et extrêmement graves. Il se permet d’être violent avec des individus qui ont créé une association suite à la mort de l’un d’eux à Doujani.” Selon lui, ces violences gratuites à répétition sont “le fait de jeunes qui refusent toute forme d’autorité, c’est une insulte à l’égard de la société et des gens qui se mobilisent pour empêcher ces épisodes délictueux.”
Le désormais condamné était pourtant scolarisé il y a peu. C’est le confinement qui l’a sorti de la classe de première où il étudiait. Il a jusqu’à son prochain procès en septembre pour montrer des gages de réinsertion et prouver qu’il a su saisir la main, généreusement tendue par ceux qu’il menaçait de mort deux jours plus tôt.
Peut-on arrêter quelqu’un soi-même ?
La loi interdit de se faire justice soi-même, de se venger ou d’avoir recours à la violence, tout comme elle interdit le port d’arme. En revanche tout citoyen témoin d’une infraction a le devoir d’en aviser les forces de l’ordre, et le droit, sans se mettre en danger soi-même, d’intervenir pour y mettre un terme. Le recours à une force proportionnée, par exemple désarmer un individu et le ligoter, est donc permis si cela conduit à présenter l’auteur des faits devant un officier de police judiciaire immédiatement. Ce point est particulièrement important, c’est bien le fait de livrer l’auteur à la police ou à la gendarmerie qui va distinguer une interpellation tout à fait légitime d’une séquestration, qui est, elle, punie par la loi.
En effet, l’article 73 du code de procédure pénale prévoit que “dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche.”
Toutefois pour éviter les abus, la cour de cassation rappelle que “si, aux termes de l’article 73 du Code de procédure pénale, toute personne est investie du pouvoir d’appréhender l’auteur d’une infraction flagrante et de le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche, l’usage, à cette fin, de la force doit être nécessaire et proportionné aux circonstances de l’arrestation” rappelait le journal Libération dans un article consacré à l’affaire Benalla.
Un citoyen agit donc bien dans son rôle en favorisant l’action de la police et de la justice, tant qu’il n’essaye pas de se substituer à elles.
Y.D.
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