Un mois après la rentrée scolaire, l’heure est à un premier bilan. On peut dire que tout le monde serrait, non pas les fesses mais les dents derrière le masque : sur le territoire de la République où le sureffectif dans les établissement bat tous les records, on pouvait craindre un redémarrage en flèche de l’épidémie de Covid. Or, un mois après, si plusieurs cas sont rapportés, dont un cas à Chirongui ce jeudi, ce n’est pas la fermeture en cascade comme l’a vécu Saint-Denis à La Réunion. Le collège de Mtsamboro a été fermé 48h pour ne pas avoir eu les moyens matériels de dépister mais il s’agissait d’une fausse alerte. Un protocole est mis en place ici comme ailleurs avec l’ARS.
La situation globale de l’éducation en cette rentrée n’est pas brillante pour autant, et les syndicats de l’éducation nationale du primaire comme du secondaire, le font remonter. Des enfants déscolarisés, un manque d’encadrement, des écoles en sureffectifs, etc. Un constat qui n’est pas nouveau. Face à la faillite des maires dont le syndicat SMIAM dysfonctionne dans son rôle de construction des écoles, Rivo, le secrétaire départemental du SNUipp, alerte le candidat Hollande en visite à Mayotte en 2012 sur le déficit en salle de classe. « Il en manque 600 », soulignait-il, en réitérant en 2014, au désormais nouveau président . Malgré l’engagement de celui-ci, le déficit se creuse, « il en manque 800 aujourd’hui », et cette fois, c’est le recteur Gilles Halbout lui-même qui fait ce constat. C’est déjà inédit.
A chaque maire sa pioche
En reprenant le chiffre stable selon le CHM de 10.000 naissances par an, ce sont 365 classes qui sont remplies chaque année, avec le même quota de scolaires qui en sortent, diplômés ou non. En comptant le manque actuel d’environ 500 salles de classe pour stopper les rotations, et les 300 intégrant notamment la scolarisation des 3-6 ans obligatoire depuis 2 ans, on arrive aux 800 classes à sortir de terre. « C’est énorme ! », consent le matheux représentant de l’Education nationale. Il rapporte ce chiffre par commune et par an, ce qui donne environ 50 salles de classe à sortir pour chaque maire. Plus qu’ambitieux, mais un objectif qui, lorsqu’il sera atteint, permettra de mettre les primaires dans un circuit de sécurisation éducatif.
En attendant le territoire n’a pas le choix, car le recteur évalue à 8.000 enfants environ non scolarisés, notamment sur les 3-6 ans. Si on ne veut pas retrouver ces jeunes dans les rues, il faut les intégrer, avec le problème d’avoir sur cette période qu’on espère cette fois charnière, des classes chargées.
Un recteur investi
Des postes ont été créés. Pas assez selon la CGT Educ’action qui avance dans un communiqué 11,5 nouveaux postes d’aides-éducatrices et aides-éducateurs « pour plus de 2 300 nouveaux élèves et seulement 8 postes de CPE ». ! Une « sous dotation » accuse le syndicat. Pourtant, dans un contexte national de suppression de poste, souligné d’ailleurs par le syndicat, le recteur indique avoir obtenu bien plus que ça, avec 50 créations de poste dans le premier degré et 96 dans le second degré.
Sur un territoire sinistré qui appelle constamment à plus d’ingénierie, sachons donc reconnaître quand elle est là. Gilles Halbout a investi ce rectorat de plein exercice voulu par la population, comme on entre en religion. A fond. Le dire, ce n’est ni baisser son pantalon ni son niveau d’exigences, c’est accompagner celui qui le défend et obtient des résultats à Paris.
Surtout que l’intéressé n’a jamais crié victoire, « à Mayotte il y a encore beaucoup à faire pour améliorer le système scolaire », ressasse-t-il.
A cette situation déjà difficile, la crise covid vient rajouter un peu plus de stress. En métropole et dans d’autres DOM où les esprits sont malmenés par une reprise de l’épidémie, un psychopédagogue, Bruno Humbeeck, s’interroge : « Comment faire lorsque l’institution scolaire n’est plus envisagée que sous le prisme du contrôle sanitaire ? » Il invite alors à faire de la « pédagogie positive », avec une place laissée aux enseignants pour l’adapter au contexte, « pourquoi pas en travaillant en sous-groupe ». Plusieurs soulignent que les enseignants ont su relever dans leur majorité le défi de l’enseignement en confinement, et appellent à les laisser innover pour relever celui du chemin désormais masqué vers le savoir.
Anne Perzo-Lafond
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