L’actualité nationale télescope celle de Mayotte. Le préfet Jean-François Colombet avait-il sentit le vent venir lorsqu’il invitait à suspendre les titres de séjour de parents de mineurs délinquants ? Ce n’est pas tout à fait ce que dit Gérald Darmanin mais cela va dans le même sens : le ministre a adressé mardi un courrier aux préfets pour leur demander de « reconduire systématiquement les étrangers » ayant commis « des infractions graves ou représentant une menace grave pour l’ordre public ».
Ce faisant, le ministre répond sans le dire expressément, à l’agression au hachoir commis par un ressortissant pakistanais devant les anciens locaux de Charlie Hebdo. Le suspect avait menti en 2018 sur son âge pour pouvoir bénéficier de la prise en charge réservée en France aux mineurs.
En réalité, le ministre ne fait que rappeler la loi et inciter les préfets à s’en saisir plus souvent. Un arrêté préfectoral ou ministériel d’expulsion est en effet déjà adopté « lorsqu’un étranger est considéré comme représentant une menace grave pour l’ordre public. L’interdiction du territoire français est prononcée par le juge pénal, soit comme peine principale ou comme peine complémentaire en cas de délit, soit comme peine complémentaire à la suite d’une condamnation pour crime et a pour conséquence une possible reconduite à la frontière ».
La menace est évaluée par l’administration en fonction du comportement de l’intéressé : violences, trafic de drogue, incitation au terrorisme, etc. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait l’objet d’une condamnation.
Gérard Collomb précurseur
D’autre part, l’ex-ministre de l’Intérieur Gérard Collomb avait déjà adressé un courrier similaire aux préfets en 2017. Il précisait notamment que les menaces que l’individu fait peser sur la société ne sont pas uniquement des faits déjà constatés, « mais constitue une mesure préventive (…) une évaluation de la dangerosité de l’intéressé dans l’avenir. Cette appréciation prend naturellement en considération des faits déjà commis par le passé ».
Quant à la déclaration du préfet de Mayotte visant l’expulsion des mineurs délinquants, elle est peu étayée par la loi : « En théorie, un étranger mineur (qui a donc moins de 18 ans) ne peut pas faire l’objet d’une mesure d’expulsion du territoire français. L’expulsion ne concerne que les étrangers majeurs. Mais dans certaines situations, un étranger mineur peut être expulsé. C’est le cas par exemple si ses parents ont fait eux-mêmes l’objet d’une menace d’expulsion. »
Un constat qui en appelle un autre, fait par le ministre au sein de l’Assemblée nationale : « Il y a aujourd’hui un drame des mineurs isolés».
Des recours contre la mesure d’expulsion sont possibles, mais ils n’empêchent pas l’expulsion d’être exécutée.
Le ministre incite les préfets à privilégier trois leviers : une coordination étroite entre forces de sécurité, autorité judiciaire ou administration pénitentiaire pour anticiper sur l’éloignement, une mise en œuvre complète et systématique de toutes les procédures administratives pertinentes, (notamment des retraits de titre de séjour voire de la nationalité française), et enfin, une utilisation de tous les outils opérationnels pour procéder à ces éloignements à savoir rétention, assignation ou participation à des vols groupés.
Un ton plus qu’incitatif de la part du ministre qui demande des compte rendus trimestriels des éloignements effectués dans ce cadre.
Anne Perzo-Lafond
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