Les questions avaient un autre profil que lors des conférences de presse ce lundi 5 octobre, de par les personnalités qui se trouvaient face au recteur. C’est Ali Nizary, président de l’UDAF Mayotte, qui notait la stabilité des effectifs en collège, « n’est ce pas la conséquence de nombreux départs de familles qui souhaitent scolariser leurs enfants ailleurs ? » C’était Nadine Hafidou, vice-présidente du CESEM, cogérante du cabinet Deltah, qui notait « un impact possible du décret du 31 juin 2020 sur l’accroissement des inscriptions en maternelle », qui assouplit les modalités administratives d’inscription des enfants en maternelle.
Rappelant qu’en réponse à cette scolarisation massive, des dotations avaient été obtenues de 50 postes dans le 1er degré et de 100 postes dans le second, « et dans un contexte de diminution nationale des moyens », Gilles Halbout, répondait à la première question en indiquant que les départs de collégiens n’étaient pas un phénomène nouveau, « mais ça reste un enjeu sur lequel il faut travailler. Nous notons aussi cette même stabilité des effectifs en primaire ». Sur la question de l’accroissement d’inscriptions en maternelle, on apprenait qu’il y aura non pas 700 mais 2.000 élèves en plus, « certainement favorisées par le décret, mais aussi par un changement de mentalité parmi les nouvelles équipes municipales avec une prise de conscience. »
Qui trouvait un écho parmi l’assistance, « si on veut construire un pays, il faut éduquer ses enfants, on note l’effort de l’Etat avec 100.000 enfants scolarisés ». 100.000 jeunes scolarisés, soit, mais Gilles Halbout disait son inquiétude, « seulement la moitié d’une classe d’âge arrive au Bac, ils ne sont que 4.500. » A relativiser puisque ses interlocuteurs faisaient remarquer que la génération de Mouhoutar Salim, directeur adjoint de l’ARS Mayotte, ne comptait qu’une trentaine de bacheliers, il y a environ trente ans.
« Les parents se sentent perdus »
Si la sécurité est au cœur des préoccupations, livrait Dominique Marot, c’est que « elle conditionne l’attractivité ». Les enseignants sont venus en nombre, +100 cette année, mais tout le monde ne bénéficie pas de primes, et les besoins sont immenses dans tous les secteurs professionnels.
Alors qu’il y a dix ans, les établissements scolaires étaient ouverts à tout vent, sans grillage ni sas d’entrée, ils ont maintenant l’allure de « forts retranchés ». Les limites de l’exercice, c’est la sécurité au dehors, faisait remarquer Gilles Halbout, « nous ne pouvons pas escorter chaque enseignant jusque chez lui, c’est un vrai problème ».
L’enjeu est donc de prendre en charge les jeunes le plus possible, « en les scolarisant, et en les occupant hors du temps scolaire avec les aides aux devoirs ou le dispositif école apprenante pendant les vacances. » Et de faire un vrai travail avec leurs parents. « La transformation de la société a impliqué une mutation des parents qui se sentent perdus, ils ne connaissent pas le système », analyse le recteur.
La preuve par les mangues
En écho, Nabilou Ali Bacar, directeur du CESEM, note que les parents sont « largués » : « La coéducation par le village, ça ne marche plus, nous n’avons pas expliqué aux gens les évolutions en cours. Quand nous étions jeunes, nous ramassions les mangues par terre, nous n’aurions jamais osé lancer des pierres pour les faire tomber sous peine d’une correction par les gens du village, puis par nos parents. Maintenant, ce n’est plus le cas », nous confiait-il. En vantant l’école des parents, « ça a permis à des parents illettrés de suivre la scolarité de leurs enfants. » Ce retour aux valeurs, au respect des aînés, Nadine Hafidou souhaite le voir figurer dans le projet académique.
« C’est le cas, se réjouit le recteur, heureux de revenir sur ce texte aux nombreux chapitres fondateurs de sa politique. « Le levier 3 de l’axe 1 prévoit que les parents intègrent l’équipe éducative. On travaille avec eux sur le projet de leur enfant et nous voulons les associer à toutes les étapes scolaires, comme les restitutions d’évaluations en CP-CE1 pour qu’ils voient comment fonctionne la classe. »
Et les parents eux-mêmes vont être formés, dans la continuité de l’école des parents : « Ils seront associés au travail donné aux élèves à la maison, mais aussi nous les formons au numérique et à différents logiciels, et enfin à la prévention des violences. Pour apprendre à bien se comporter avec son enfant, au lieu de le corriger physiquement immédiatement, il faut apprendre à utiliser les mots, et à s’expliquer. »
Ce mardi, une convention était signée avec l’UDCSF, « et la semaine prochaine nous mettons en place comme promis l’Observatoire des parents en collaboration avec le Conseil de la Culture de l’Education et de l’Environnement ».
Pour la vice-présidente du CESEM, le bilan est plutôt positif, “il y a plus de transparence qu’auparavant, et sur le sujet de la transformation en rectorat, si nous sommes pour l’instant satisfaits, il est encore trop tôt pour envisager d’en tirer un bilan, c’est toujours en cours.”
Anne Perzo-Lafond
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