Victorin Lurel, alors ministre des outre-mer, s’y était attaqué de manière pragmatique : la « vie chère », qui agite régulièrement de banderoles les artères ultramarines, et Mayotte n’y a pas échappé notamment en 2011, est une nouvelle fois le sujet d’un rapport. Le Conseil économique, social et Environnemental réuni en plénière ce 14 octobre a débattu autour de son rapport, « Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outre-mer : fractures et opportunités ».
En façade, il est pointé l’isolement qui provoque des frais d’acheminement supérieurs ou l’étroitesse des marchés, mais en réalité, les outre-mer sont encore soumises, en tout cas pour Mayotte, à une économie de comptoir qui maintient notre dépendance à la métropole.
Un objectif pourtant visé par la loi contre la vie chère Outre mer de Victorin Lurel d’octobre 2012, qui interdisait aux grossistes de faire valoir des contrats d’exclusivité des marques, et qui obligeait la cession de magasins en cas de position dominante. Pourtant, une étude de l’INSEE Mayotte de février 2016 avait fait valoir que les marges des entreprises mahoraises sont deux fois plus élevées qu’en France, 43% contre 21%, principalement dans le commerce et le bâtiment.
Tout cela met en évidence l’absence de moyens pour faire respecter la loi, avec un nécessaire renforcement de la Direction de la concurrence et de la répression des fraudes à Mayotte. Lors de son dernier passage à Mayotte, l’ex-ministre des outre-mer Annick Girardin avait dû elle-même régenter un abus sur l’exclusivité d’une marque dans une entreprise locale.
Aux mêmes maux, l’absence de remèdes
Un point régulier sur le contrôle et l’affichage du Bouclier-Qualité-Prix ne serait pas un luxe.
Surtout que le CESE appelle à faire mieux, « Suite à la crise sanitaire du Covid-19, les prix des denrées alimentaires, de l’eau, des télécommunications et du fret, doivent être contrôlés par le Préfet et faire l’objet, si nécessaire, d’un arrêté de fixation des prix, afin d’éviter toute flambée par rapport à ceux de l’hexagone. » Là encore, l’écrire et le décider ne sont pas suffisant pour garantir son application.
A La Réunion, la Confédération nationale du Logement et de la consommation dénonçait la semaine dernière une majoration, tout à fait légale, de 33% des médicaments dans les DOM.
Autre phénomène qui date, l’importation de produits de consommation courante depuis les pays de la zone régionale se heurte apparemment toujours aux problèmes de normes, non compatibles avec la réglementation européenne. Un travail avait été mené sur ce sujet par l’ADIM et la CCI à Mayotte.
Octroi de mer ou TVA ?
Le CESE appelle aussi les distributeurs locaux à intégrer davantage la production locale, notamment de fruits et légumes, sur leurs rayons. Cela sous-entend une structuration des filières de production à Mayotte et leur fiabilité sur la durée. Peu en ont fait la preuve.
Les deux autres accusés de cette inflation ultramarine, sont traditionnellement la prime vie chère des fonctionnaires accusée d’entretenir un palier haut des prix par leur pouvoir d’achat, et dans le rapport du CESE, l’octroi de mer. Cette taxation à l’importation a fait l’objet de multiples rapports accusateurs, le dernier en date de la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI) le dénonçant comme « dévoyé et inefficace ».
Le CESE recommande une nouvelle étude sur l’impact global de cette taxe dans la formation des prix avant d’envisager une évolution vers une taxe sur la valeur ajoutée locale.
Alors que l’INSEE avait noté un écart croissant entre les plus riches et les plus pauvres à Mayotte où 40% des plus pauvres sont 20% plus pauvres qu’en 2011 et vivent avec moins de 160€/mois et par habitant, pour le CESE « il y a urgence à s’attaquer à la paupérisation et au délitement de la cohésion sociale », dans les outre-mer.
Anne Perzo-Lafond
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