Après avoir lu le courrier du ministre aux parlementaires et élus locaux, nous avions écrit qu’un mauvais diagnostic ne pouvait que conduire aux mauvaises décisions, voire à une nouvelle impasse.
Dommage que le Collectif s’arc-boute sur la dénonciation du toilettage du département qui ne colle toujours pas à la réalité de ses frères nationaux, notamment régionale, mais on peut néanmoins être sûr d’une chose, cette évolution ne peut être enfantée dans la douleur.
Or Mayotte souffre. Comme l’a dit l’ancien conseiller Issihaka Abdillah sur l’antenne de Mayotte la 1ère, le bilan de la départementalisation de Mayotte ne s’écrit pas, il doit se voir. Et justement, c’est vite vu. Comme le décrit le Collectif, la plupart des chantiers sont encore à mener : « Nous avons quelques idées sur ce qui pourrait (et devrait) occuper les équipes du Gouvernement si elles étaient décidées à enfin travailler pour Mayotte et sortir notre île de l’enfer qui l’engloutit : que les services de l’Etat règlent d’urgence la crise de l’eau et de l’assainissement qui nous prive du droit élémentaire d’accès à l’eau et nous expose aux maladies de l’insalubrité publique ». L’Etat peut à raison pointer la responsabilité des élus sur beaucoup de chantiers, notamment sur l’érection de la 3ème retenue collinaire, mais on peut légitimement se demander si en 1946, lors des investissements massifs de l’Etat dans les 4 autres DOM, ils étaient nombreux à savoir gérer correctement leur territoire.
Et puis, le bilan a été magistralement dressé par la Cour des comptes en 2016, comme le rappelle le Collectif qui cite le rapport, « Mise en œuvre dans un contexte socio-économique préoccupant, marqué par une forte démographie et une importante immigration irrégulière, cette départementalisation rapide a été mal préparée et mal pilotée ». Depuis, peu a été mis en place en dehors de la fiscalité de droit commun, ou de la prescription acquisitive pour le foncier. Lire la présentation par Didier Migaud du Rapport CRC APSIEAM
Des élus aphones
Lors de son discours de présentation du rapport, Didier Migaud, Premier président de la Cour des Comptes, expliquait que, « d’importants retards ont été pris sur les trois chantiers prioritaires pour l’État » : le passage de la spécialité à l’identité législative n’est pas encore achevé, le passage à la fiscalité de droit commun n’a finalement été réalisé qu’au 1er janvier 2014, en troisième lieu, des incertitudes continuent de peser sur la question foncière.
Une liste que complète le Collectif : « Que le Ministère de la Justice donne les consignes nécessaires au placement en établissements pénitentiaires adéquats en Métropole des délinquants qui sèment la terreur, qu’il dédie les équipes nécessaires aux affaires de corruption et de malversations qui gangrènent la vie publique et le monde des affaires à Mayotte. Que le Ministère de l’Intérieur alloue les moyens humains et techniques suffisants aux forces de l’ordre pour qu’elles puissent accomplir toutes leurs missions sans uniquement se concentrer sur la chasse aux clandestins. Que le Quai d’Orsay exerce enfin les pressions nécessaires sur Moroni pour la reprise immédiate des reconduites à la frontière, l’arrestation des trafiquants humains et la destruction des kwassa kwassas.
Que les services de l’Etat montent le financement et entament enfin les travaux de rallongement de la piste aérienne qui nous est promise par chaque président depuis Jacques Chirac et ceux des voies routières indispensables au développement de Mayotte », etc. Une liste non exhaustive des « priorité vitales » à Mayotte.
La contribution des élus est attendue depuis la rencontre du 1er septembre, tout en faisant remonter ces priorités, elle doit exiger un calendrier de suivi et dédier des compétences locales à ce suivi.
Ils ne peuvent plus décevoir la population sur cette opportunité qui leur est offerte, mais leur absence de réponse à ce courrier du ministre datant de la semaine dernière en dit déjà trop.
Anne Perzo-Lafond
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