“L’éducation et la lutte contre la délinquance sont des sujets qui nous concernent tous.” Pour Ali Nizary, président de l’UDAF, l’union départementale des associations familiales, seul un travail commun permettra de venir à bout des défis du territoire. “A Mayotte l’éducation est entâchée par les violences que nous subissons au quotidien. Mais c’est grâce à ce travail collectif que nous sortirons de cette problématique.”
Rafza Youssouf Ali, présidente de l’Union Départementale de la Confédération Syndicale des Familles de Mayotte appelle dans un premier temps l’Etat à assumer l’ensemble de ses responsabilités, en les adaptant au territoire, quitte à enfoncer des portes ouvertes.
“L’Etat doit appliquer une politique plus réaliste et pragmatique sur les réalités du territoire” plaide-t-elle en citant cinq grands volets : “Garantir l’égalité d’accès à l’éducation dès la maternelle dans des conditions dignes d’un département français. Créer des classes spécifiques pour les primo-arrivants et évaluer leur niveau avant d’intégrer une classe normale. Garantir l’insertion des jeunes hors circuit scolaire. Etendre les conventions excellence en classe préparatoire dans les filières médicales, on ne doit pas oublier qu’on est la 1e maternité d’Europe. Enfin le développement de la formation professionnelle et universitaire.”
Mais, rappelle Ali Nizari, l’Etat ne peut rien sans les parents. “Le premier éducateur d’un enfant, c’est les parents, qui ont aujourd’hui un rôle à jouer. Pour que les parents puissent mieux exercer leur travail d’éducation il faut aussi les accompagner, ils ont aussi des limites, c’est la raison pour laquelle l’UDAF va mettre en place des actions de parentalité, c’est un message fort.”
Un accompagnement que l’Education nationale appelle aussi de ses voeux, tant en termes d’aide que de responsabilisation, en accueillant davantage les parents à l’école.
Nicole Steffann, proviseure adjointe du lycée de Kahani, fait partie des organisatrices de la journée consacrée à la parentalité qui s’est tenue vendredi dans l’établissement.
“L’idée du projet c’est de partir sur les thèmes de l’accompagnement à la parentalité et la prévention de la violence. L’accompagnement à la parentalité a plusieurs aspects. On a la question des grossesses précoces, on en a par dizaines au lycée. C’est une vraie réalité.
C’est aussi rappeler aux parents d’enfants qui se détournent du droit chemin, fuguent, intègrent des bandes, qu’ils sont l’éducateur référent. Le but c’est de les accompagner dans cette responsabilité parentale qui n’est pas évidente quand on a un gamin qui nous échappe. Des parents qui ont des papiers peuvent avoir accès à certaines aides. C’est encore plus compliqué pour certaines familles en situation illégitime qui se trouvent dépossédées de leur autorité parentale.
C’est à eux de poser un couvre-feu, de dire qu’à telle heure on ne sort plus, et ça ce n’est pas facile.
On trouve aussi beaucoup de familles monoparentales ou recomposées avec des adolescents qui quittent le foyer et ont une vie d’adulte très tôt, tout cela contribue à ce que l’autorité des parents soit mise à mal.
On a tout un volet co-éducation, c’est à dire qu’on accompagne les parents à l’école, ça implique de les rencontrer, de discuter avec eux de la situation de l’enfant Or, il n’y a pas encore cette culture du parent à l’école à Mayotte, on voit très peu les parents lors des conseils de classe. C’est un travail sur lequel on peut collaborer avec les associations et les institutions comme le rectorat, c’est une vraie piste de développement qui est intéressante.”
Avec ce travail mené en commun, c’est tout un paradigme qui s’effrite : celui d’une opposition présumée entre l’éducation parentale et celle de l’Etat qui reposerait sur une prétendue incompatibilité de l’enseignement traditionnel face à l’enfant du juge. Désormais, il appartient aux parents de franchir la grille de l’école pour voir, comprendre, échanger et participer à l’éducation scolaire de l’enfant. Franchir la porte des associations pour échanger sur l’éducation à la maison ne doit plus être un tabou, afin que chacun prenne toute sa place dans l’éducation des jeunes.
Une coéducation nécessaire à la construction du territoire le plus jeune de France selon Rafza Yousouf Ali pour qui “nous, nous sommes le passé. Les jeunes sont le présent. Mais ensemble, nous sommes l’avenir”.
Y.D.
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