L’enquête a été menée à la fois par 3 chambres de la Cour, 11 Chambres régionales des compte (CRC) en métropole, et 2 en outre-mer, dont Mayotte. Une annexe reprend pour notre département le rapport déjà publié par la CRC en mars 2019, auquel nous avions consacré deux articles. Le premier revenait sur le diagnostic d’une insuffisance dans les structures de prise en charge des mineurs en 2018 et sur les signalements d’enfants en danger, tout en notant une « dynamique impulsée », et le second donnait la parole à l’élu qui en a la charge, Issa Issa Abdou qui pointait l’inadéquation de la loi avec la réalité du territoire.
Ce rapport de la Cour des Comptes, dans un contexte national de forte croissance de prise en charge des mineurs à protéger, est bénéfique pour Mayotte. Car la Cour des Comptes appelle en 10 points à faire évoluer les politiques.
Face aux 328.000 enfants ayant bénéficié d’une mesure de protection à fin 2018, soit une hausse de 12% depuis 2009 (un tiers sont des mineurs non accompagnés), la Cour des Comptes critique un dispositif compliqué, engendrant des délais trop longs, « certaines étapes du développement de l’enfant ne pourront jamais être rattrapées si une mesure de protection n’est pas mise en place à temps ». Ce qui peut expliquer les difficultés lorsqu’ils deviennent adolescents.
L’âge de la majorité tombe comme « un couperet »
La réflexion sur le long terme se fait dans l’optique d’un retour possible dans la famille, « dont les défaillances peuvent pourtant être durables ». Ce qui induit un autre constat sur la parentalité, « La France se caractérise par un faible développement des mesures de soutien à la parentalité et par l’absence d’évaluation des compétences parentales, contrairement à ce qui existe dans d’autres pays. »
Même absence de vision à long terme en ce qui concerne le jeune et son parcours, puisque toute prise en charge s’arrête à sa majorité, qui agit « comme un couperet », parfois en plein parcours de formation.
Le pilotage de la protection de l’enfance est considéré comme « défaillant », à clarifier entre deux directions, la direction générale de la cohésion sociale et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, qui en outre, « ne disposent pas des leviers nécessaires pour assurer leurs missions ».
Les départements sont invités à contrôler et à évaluer efficacement les établissements et services de leur territoire.
En dix points dont certains sont un gros « plus » pour la protection de l’enfance, la Cour des Comptes invite le gouvernement, à la veille d’une nouvelle séquence législative annoncée pour le premier trimestre 2021 dans ce domaine de la protection de l’enfance, « à se mobiliser fortement et à mieux prendre en compte le temps de l’enfant ».
Évaluer les compétences parentales
Le 1er point porte sur les statistiques en matière de protection de l’enfance, qu’il faut confier à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, quand le 2ème propose de « clarifier et simplifier » le pilotage national, en renforçant le rôle de la DGCS et celui de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE).
On note deux réponses de poids. Tout d’abord, et alors que la protection de l’enfance est de la compétence du Département, la CC propose que l’Etat veille au grain, en désignant le préfet « comme interlocuteur du président du conseil départemental et comme coordonnateur des services de l’Etat sur le territoire, en lien avec les autorités judiciaires. » Deuxième attente, que les compétences parentales d’un enfant placé soient évaluées, avec un recours possible à la délégation de l’autorité parentale en cas de déficience des parents.
Les autres points portent sur la mise en place par le département d’un dispositif de contrôle des établissements et services de protection de l’enfance et le recours à la contractualisation pluriannuelle avec les opérateurs.
La protection de l’enfance « hors Mayotte »
Il s’agit aussi de publier les délais de traitement des informations préoccupantes et d’exécution des décisions de justice. Alors que les signalements doivent provenir en majorité du Département et de ses services sociaux, ce n’est pas le cas dans certains départements, dont Mayotte, « dans ce département, seules 5 % des informations préoccupantes sont issues des services du département et le service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger y semble également sous-utilisé. Les principales sources de saisine sont le vice-rectorat et le centre hospitalier de Mayotte ».
Le contexte noté comme « très particulier », nous vaut un traitement à part, puisque les statistiques du rapport notent à chaque page, « Données nationales hors Mayotte, en raison de la situation atypique de ce département ». En donnant un exemple, « les effectifs d’assistants familiaux ont diminué d’un tiers entre 2005 et 2017 dans le Puy-de-Dôme », alors qu’à Mayotte, « ces effectifs sont à la hausse (+ 60 % sur la période 2015-2018) », avant de rajouter « cette situation est liée au contexte très particulier de ce territoire, avec une population jeune, un fort taux de chômage et des besoins particuliers concernant l’accueil des mineurs non accompagnés ».
L’envolée de la courbe des enfants placés sur le plan national peut provoquer une prise de conscience à Paris. Quoique caracolant toujours en tête, on a le sentiment que Mayotte n’est plus seule à appeler à l’aide.
Consulter le RPT Protection de l’enfance
Anne Perzo-Lafond
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