« On ne va pas trop rentrer dans les détails, les braconniers pourraient s’en servir », souffle Jeanne Wagner. Mais c’est une petite victoire pour la directrice d’Oulanga na nyamba : lundi, un individu transportant 25 kilos de viande de tortue a écopé en comparution immédiate de 6 mois de prison et 1000 euros de dommages et intérêts pour chacune des trois associations parties civiles (Oulanga na nyamba donc, mais aussi Les naturalistes de Mayotte et Sea Shepherd).
Une condamnation lourde au vu des faits puisque, malgré les incohérences de la défense, ce n’était pas de braconnage dont était saisi le tribunal. Et le fruit de la mobilisation de nombreux acteurs ; « des indics » à la gendarmerie maritime, de la STM aux affaires maritimes toute une chaîne s’est mise en place pour contrecarrer le business macabre. « Nous travaillons tous étroitement, notamment avec la gendarmerie maritime qui est directeur d’enquête pour les affaires de braconnage », explique Jeanne Wagner. C’est ainsi, comme cela s’est d’ailleurs déjà passé l’année dernière, qu’un « renseignement » a permis de sonner l’alarme.
25 kilos de viande de tortue
Pour la petite histoire : ce vendredi, un homme prend la barge avec comme bagage, un sac taché de sang et dégageant un fumet nauséabond. S’il assurera à la barre ne pas savoir ce qu’il transportait, c’est bien de 25 kilos d’une espèce protégée dont il s’agit. L’odeur, surement, le pousse à déposer son butin à distance de sa place. Et à sortir de la barge sans le sac. Décidément doté d’un bon flair, le livreur échappe ainsi aux agents des Affaires maritimes qui, bien renseignés, attendent au débarcadère. Ils découvriront bientôt le sac sur le pont de la barge, mais pas celui qui l’avait déposé. Lequel, remontant à bord du navire quelques heures plus tard, sera enfin appréhendé, identifié grâce aux images de vidéosurveillance du navire.
Si le transporteur ne finira probablement pas en maison d’arrêt, aménagement de peine oblige, reste que « 3000 euros de dommages et intérêts pour un pêcheur, ça fait lourd », estime la directrice de l’association partie civile. « Après nous on est jamais vraiment satisfait de ces peines, il faudrait peut-être être encore plus dissuasif mais on a senti au regard des faits et du réquisitoire du procureur notamment, qu’il y avait une vraie détermination », poursuit Jeanne Wagner.
Répression et sensibilisation
Une double mobilisation d’acteurs de terrain et de l’institution judiciaire qui « met la pression, les braconniers commencent à avoir peur, on le voit notamment à force de patrouilles en Petite-Terre », analyse-t-elle encore, prévenant toutefois que la médaille a bien un revers : « plus on met la pression sur les braconniers, plus ils vont chercher de moyens de contourner, de passer entre les mailles du filet, trouver d’autres techniques ou d’autres lieux de braconnage.» Tant que le business de leur viande perdurera, les tortues perdront la vie. Victimes d’appétits peu scrupuleux et de bougres en quête d’argent.
Alors, la solution ne viendrait-elle pas des consommateurs ? « On sait des choses, mais il est très difficile à la justice de faire son travail de ce point de vue là. Il faudrait des flagrants délits mais c’est très difficile à établir », explique Jeanne Wagner, pour qui l’issue viendrait plutôt de la sensibilisation, de la pédagogie. C’est là l’objectif de Kaz’a nyamba ou la maison des tortues, le projet de l’association qui devrait voir le jour en 2022. On avance, petit à petit. Lentement mais surement, comme les vertes ou les imbriquées.
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