Masques, banderoles, ou encore chapeaux rouges et pourtant, ce n’est pas la fête. Au carrefour surplombant le rectorat, ce mardi, une petite centaine de manifestants forment une foule inquiète. Ils ont répondu à l’appel d’un mouvement de grève nationale dans l’éducation nationale mais le soleil brulant qu’ils fuient vient rappeler les urgences particulières du territoire. « Les demandes et les revendications nationales sont d’autant plus importantes ici », considère ainsi Léa à l’ombre d’un manguier.
« On a besoin de plus de moyens, de professeurs mieux formés, de renfort de personnel dans les établissements. C’est le cas au niveau national mais aussi ici où il faut attirer du personnel formé. On voit bien qu’il y a de moins en moins de gens qui se présentent aux concours, il faut redonner envie à la population de s’investir dans l’éducation nationale et au delà d’une prise en considération, cela passe par revaloriser les carrières, les salaires, les moyens en général pour donner envie et améliorer les conditions d’enseignement », développe la professeur d’SVT au collège de M’tsamboro, fermé ce mardi suite à une grève bien suivie. Ses camarades acquiescent et, derrière les masques, la situation sanitaire vient donner un nouvel élan au plaidoyer.
« La crise sanitaire a illustré l’importance des services publics »
« Clairement, le manque de moyens, de personnel, mais aussi d’espace ici à Mayotte est d’autant plus illustré par la crise sanitaire. Avant cela, on voyait bien que la surpopulation notamment engendrait des problèmes de sécurité, de manque d’efficacité voire de défaillance dans l’enseignement. Aujourd’hui, on rajoute à cela un danger sanitaire extrêmement présent dans les établissements surchargés », lance la professeure. Qui espère cependant voire en cette période troublée un salut par la prise de conscience. « Ça fait longtemps que l’on savait que les services publics étaient primordiaux, essentiels, mais la crise sanitaire l’a bien illustré et je pense que c’est le moment pour tous d’en prendre conscience, à commencer par le gouvernement », insiste-t-elle encore sous le regard approbateur de ses deux comparses.
D’où son appel à « la convergence des luttes » entre les différents services publics. À quelques mètres de là, la manifestation des sages-femmes du CHM vient illustrer le propos. « Ça fait un moment que l’éducation nationale est laissée à l’abandon mais je pense que c’est un mouvement qui ne doit pas la concerner toute seule, cela doit se généraliser, converger avec les autres luttes. Il faut que tout cela se rejoigne, par exemple avec les sages-femmes aujourd’hui car finalement on demande tous les mêmes choses, que le gouvernement nous entende, mette plus de moyens pour les services publics au lieu de rester dans la tendance de destruction. »
Une réunion « constructive » entre syndicats et rectorat
Joint dans l’après-midi, le recteur Gilles Halbout assure avoir tenu une « réunion constructive » avec les syndicats (CGT Éduc’action et FSU Snuipp). Sur les inquiétudes liées au volet sanitaire, le recteur dit « comprendre les préoccupations liées à la densité dans les établissements ». Et rappelle sur ce point que la campagne de dépistage interne est sur les rails, tout comme la cellule interne de contact tracing qui doit commencer sa mission ce mercredi. « Nous avons également alertés les chefs d’établissements pour qu’ils soient prêts à baisser la jauge [du nombre d’élèves accueillis]. S’il faut le faire, nous le ferons mais cela suppose des élèves dehors et je trouve cela problématique dans les conditions que l’on connaît ici », livre également le recteur. Une réunion est prévue en début de semaine prochaine pour faire l’arbitrage.
Sur les renforts de moyens locaux: les syndicats estiment qu’ils pourraient passer par un classement de l’ensemble du territoire en zone Rep +. Pour le recteur, cependant, « nous
ne sommes plus dans une logique Rep/Rep+ au niveau national mais dans de nouvelles expérimentations ciblées. Mayotte est candidate pour en être, ce qui suppose des renforts de moyens « . Selon Gilles Halbout, la nouvelle « a été saluée par les syndicats » mais un point de divergence persiste : le recteur ne veut pas uniformiser le territoire sur ces dispositifs ciblés, arguant que certains secteurs demeurent plus prioritaires que d’autres.
Du local au national, séance de rattrapage
Toujours localement, la réunion a permis de faire le point sur la politique d’attractivité du personnel demandée par les syndicats. « La demande d’une indexation sur La Réunion est en cours mais ça ne dépend pas de nous », fait savoir le recteur à qui les syndicats ont également soumis des revendications pour stabiliser le personnel sur place. « On va faire remonter ça aussi », assure celui pour qui « le travail a été fait en grande partie pour l’accompagnement des contractuels.
Reste la question des assistants d’éducation, en grand nombre parmi les grévistes ce jour et particulièrement inquiets: soumis aux mêmes règles de mobilité que les autres territoires, les AED ont fait valoir que les conditions particulières du territoire ne les placent pas sur un pied d’égalité. « On s’est mis d’accord sur le fait qu’il faille travailler là dessus, comme sur l’accompagnement des départs à la retraite des personnels locaux », fait valoir le recteur.
Rendez-vous est pris, dans un mois, « pour faire un point durant lequel j’espère avoir de bonnes nouvelles à annoncer », avance Gilles Halbout, qui s’est également fait le défenseur du gouvernement sur les revendications nationales. Au premier rang desquelles la revalorisation des salaires. « Un demi-milliard est sur la table à travers le grenelle de l’éducation, dont la moitié pour la revalorisation des salaires de début de carrière. C’est un début de rattrapage intéressant car c’est principalement là dessus qu’on est en retard par rapport aux autres pays européens », considère-t-il.
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