Le Journal de Mayotte : Alors qu’une pénurie de soignants se profile, que peut-on envisager pour permettre d’accroître le nombre de soignants localement formés ?
Gilles Halbout : C’est une véritable problématique. Et qui n’est malheureusement pas propre au domaine de la santé. Nous pouvons par exemple faire le parallèle de notre côté, notamment sur certaines disciplines très déficitaires en enseignants comme les maths. Au niveau national, alors qu’il y a plus de places de que candidats au Capes, vous imaginez bien les difficultés que l’on peut rencontrer sur le territoire. Il faut donc, dans les deux cas, mener une politique forte d’attractivité, mais aussi et surtout à plus long terme développer l’offre de formation localement. Le tout en développant le cas échéant des politiques innovantes à l’image de ce Capes, ouvert à bac+3 et qui offre le statut de fonctionnaire stagiaire pendant deux ans. Je pense dans ce cadre que ce que l’on fait pour nos propres métiers au rectorat, il faut le faire pour les autres secteurs, comme celui de la santé.
Le J.D.M : Concrètement, de quelles offres présentes et à venir à court terme disposons nous sur le territoire ?
G. H. : Il y a, je dirais, trois points d’entrées pour les métiers de la santé. D’abord, les soins à la personne, que l’on développe au lycée de Bandrélé. Il s’agit de formations pour accompagner, selon leurs besoins, les personnes de tout âge, de l’enfant jusqu’aux aînés. Deuxième volet, celui de la santé à proprement parler, et ses formations que l’on regroupe sous le signe MMOPK (Médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et kinésithérapie). On
est là sur des formations universitaires dont les concours ont évolué pour se regrouper autour d’une double entrée PASS/LAS. Ici, nous avons ouvert le parcours LAS, avec une majeure biologie et une mineure santé adossée à l’université de Montpellier et qui permet aux étudiants, après un, deux ou trois ans de parcours d’intégrer une faculté de médecine montpelliéraine. C’était la nouveauté de la rentrée 2020. On peut, à travers cette première, se féliciter d’avoir initié le premier stade des études de santé sur le territoire.
Le J.D.M : On est donc encore très loin d’un centre hospitalier universitaire (CHU)…
G. H. : Bien sûr ! On le voudrait mais il faut passer par certaines étapes. La Guyane par exemple, est juste en train de finaliser le cursus du premier cycle, on est encore embryonnaire sur l’internat à La Réunion… Tout cela prend du temps.
Mais raison de plus pour ne pas traîner, il faut au contraire aller vite, avec détermination car former un médecin prend neuf ans et si on ne commence pas ce chantier dès à présent, nous ne ferons que cumuler du retard dans cette grande ambition. Pour l’instant, on est en capacité de commencer ces études à Mayotte, c’est déjà une belle avancée. On a ouvert la première année du premier cycle cette année, la seconde l’année prochaine. Petit à petit, nous montons en puissance et si dans quatre ou cinq ans, nous pouvons imaginer ouvrir le deuxième cycle, ce serait encore une belle victoire.
L’offre de formation est aussi à prendre en compte avec le développement du deuxième hôpital, ce sont forcément deux éléments indissociables.
Le J.D.M : En attendant les médecins, qu’en est-il des infirmiers et des aides-soignants ?
G. H. : La formation des infirmiers et des aides soignants relève de la compétence des régions, en concertation avec les ARS. Ce n’est donc pas dans les compétences du rectorat. En revanche, nous avons forcément un regard là-dessus dans le sens où nous supervisons l’offre de formation post-bac à travers Parcoursup.
Sur ce point, il faut bien admettre que le territoire, qui compte 30 places dans son Ifsi (institut de formation en soins infirmiers), n’a pas beaucoup bougé. Pourtant, à travers le Ségur de la santé, toutes les collectivités concernées avaient été consultées par l’État, lequel se disait prêt à les accompagner pour développer l’offre de formation. Il se trouve que le Conseil départemental n’a pas répondu. Je me suis donc tourné vers lui pour lui proposer de l’aide mais j’ai été très clair : on ne peut pas attendre un an de plus. Dès la rentrée prochaine, nous devons augmenter le nombre de place. De manière générale, ma feuille de route est d’augmenter de 20% l’offre de formation post-bac pour la rentrée
prochaine. On y arrive, et il ne faut pas que l’Ifsi soit l’exception.
Le mot d’ordre est donc d’être sur les mêmes objectifs, on va y arriver, on saura faire preuve de persuasion. Nous aurons une réunion sur ce point d’ici le début de semaine prochaine et j’ai bon espoir que ça avance.
Propos recueillis par Grégoire Mérot
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