Le mouvement implique 35 agents de l’agence sur 155, mais avec une forte représentativité du syndicat qui la mène, la CFDT ayant été élue avec 5 sièges sur 8.
Comme la directrice générale de l’ARS Mayotte l’a expliqué hier dans nos colonnes, elle déplore des revendications ne portant pas sur l’offre de soins, mais sur des nominations de « directeurs actuellement chefs de service », « je ne vois pas l’intérêt d’extraire ces services de leur direction actuelle, au nombre de 3, celle de la Santé publique, celle de l’offre de soin et celle des Fonctions support. ». Elle évoque des avancées sous sa férule, « 10 créations de poste en 2019, 9 en 2020, 10 pour l’épidémie de dengue et 6 pour le Covid. D’autre part, nous avons remporté des appels à projets, obtenu des financements pour la crise Covid. Notre efficacité ne tient pas au nombre de généraux, mais au sérieux des troupes. »
Nous avions détaillé ses projets et son opinion sur le mouvement, nous rapportons donc ici les explications des agents grévistes, et ensuite, la réponse de Dominique Voynet que nous avons interpellée sur le reproche d’un management « partial ».
« En préalable pour ce qui concerne le taux de participation à la grève, même si 31 agents sont bien présents, nous tenons à rappeler que la CFDT a bien été élue majoritairement avec 5 sièges sur 8 au comité d’agence, c’est dire qu’elle souhaite simplement minimiser notre légitimité. Nous notons que lors de la première grève qui s’est tenue juste avant les élections du comité d’agence, elle a décidé de l’attribution d’une prime de 400 euros aux agents de la LAV qui sont au nombre d’environ 70. Afin de casser le deuxième mouvement, elle a demandé aux mêmes agents d’apporter leurs dossiers pour qu’elle puisse s’occuper enfin de leur retraite, objet de son déplacement en métropole (à savoir, de nombreux agents de la LAV sont proches de la retraite et que ce dossier est de longue date).
Nous réclamons une ARS digne de ce nom, avec tous les services qui doivent y figurer pour qu’aucune mission ne soit laissée de côté : en clair, il faut être organisé et non pas entretenir le flou pour garder le pouvoir et naviguer à vue ! D’ailleurs, elle reconnait qu’il faut renforcer les services par la mise en place d’un encadrement intermédiaire, elle a même indiqué sa volonté de renforcer le service des ressources humaines, qui à nos yeux mérite donc une vraie direction au vu des nombreux chantiers.
Nous exigeons une gouvernance qui ne soit pas celle d’un autre temps ou les agents devaient s’exécuter sur des ordres qu’ils ne comprenaient pas ou qu’ils ne comprenaient que trop bien. En clair également un management délégatif et participatif et non centralisé. Un clan a été créé au sein de l’agence par elle-même, il est à ce titre intéressant de constater de visu à l’heure du repas les deux tables qui se constituent, sans mélange possible, ni échange. Par ailleurs, pour illustrer le débat autour de la E-santé, nous notons qu’elle a démantelé le service informatique et attribué cette mission à un de ses proches, dont elle aurait peut-être dû se renseigner sur les antécédents… L’ingénieur informatique qui était détaché, aurait tout à fait pu assurer cette mission au sein de la DOSA.
Nous continuons à affirmer qu’elle n’a pas confiance dans son DGA, qui n’existe que de nom. Elle nous a affirmé avoir donné une délégation à ce dernier (sans le budget, ce qui n’existe pas ailleurs), sans même la communiquer aux agents, qui de ce fait ne savent pas vers qui se tourner pour telle ou telle mission, renvoyant donc forcément toute décision au sommet de la pyramide (centralisation donc !).
Nous souhaitons également contredire les affirmations selon lesquelles ce combat serait un combat de Mahorais contre des « personnes extérieures ». A ce sujet, nous avons noté une fuite des cerveaux depuis son arrivée, un médecin inspecteur de santé publique, le chef de la Veille et Sécurité Sanitaire, un agent de la veille et sécurité sanitaire, l’entomologiste chef de la LAV, le chef du service santé environnement, le responsable du service médico-social, le médecin directeur de la direction de l’offre de soins et de l’autonomie, son propre directeur de cabinet, sont à venir sur cette liste un autre médecin inspecteur de santé publique et un pharmacien de santé publique. Nous tenons à signaler que ces agents étaient proches de la retraite pour la plupart (et donc expérimentés) et qu’ils nous avaient tous indiqué leur volonté de prolonger leurs contrats. Le médecin inspecteur parti n’a jamais été remplacé, et les suivants sur la liste le seront-ils, ce qui nous amène notamment sur le débat concernant l’absence d’une mission inspection contrôle, ce qui pour Mme Voynet, Inspectrice Générale des Affaires Sociales nous semble être clairement un aveu de rejet de ses origines professionnelles. Enfin, toutes les personnes citées ci-dessus sont d’origine diverses extérieures à Mayotte, même si à nos yeux, cela ne compte pas forcément car ils étaient de vrais professionnels et s’intéressaient donc à leur environnement immédiat : Mayotte.
Nous vous informons également d’un point abordé lors de la réunion de mardi, nous lui avons indiqué le décès de la dame évassannée en métropole et qui a été enterrée jeudi à Mangajou, en lui rappelant qu’elle avait indiqué dans les médias que sur les 4 personnes évassannées de la Réunion à la métropole tout allait bien, alors que la famille n’avait eu aucunes nouvelles, hormis celui du décès. Elle a alors répondu « je ne savais pas », nous pensons donc que si l’on est responsable, on ne fait pas de déclarations quand on ne sait pas ! Pour le patient qui avait été abandonné à l’embarcadère, revenant d’EVASAN de La Réunion, elle a déclaré que cela n’était pas de sa responsabilité. Nous pensons que cela est bien de sa responsabilité, ce que nous lui avons dit. En effet, si cette ARS était organisée correctement, ce type d’événement grave lui serait remonté et elle aurait eu à charge de demander des explications au CHM, voir de déclencher une mission d’inspection contrôle.
En conclusion, nous espérons avoir éclairé la population sur les agissements de Mme Voynet, dont vous comprendrez qu’elle nous choque largement et que cela provoque une souffrance au travail, notamment parce que nous sommes en contact avec la population, nous ! »
Un fossé demeure entre les deux parties et l’absence de délégation de signature sur le budget à son DGA demeure une blessure. Sur l’accusation qui résume quasiment l’ensemble des points, d’un “management clanique”, Dominique Voynet rétorque qu’elle est encline au dialogue, « chose qui est compliquée quand on se met à parler en shimaore quand un mzungu s’approche », et entrevoit comme un malentendu : « Je reviens sur la revendication d’origine d’une ARS en nom propre, et je me suis battue pour ça après plusieurs missions ici. Mais une ARS reste une agence publique administrativement, c’est le bras armé de l’Etat en matière de santé. Il ne viendrait à personne l’idée de dire ‘la préfecture aux mahorais’. D’autre part, il est clair qu’une cohésion s’est créée au sein de certaines équipes qui ont travaillé nuit et jour pendant la crise Covid. Enfin, je voudrais dire que quand je suis arrivée, l’agence ne comptait qu’un seul chef de service mahorais, il y en a 7 actuellement. »
En conclusion, Dominique Voynet, “syndicaliste pendant 35 ans”, et qui évoque déjà à demi-mot la fin de sa mission, souhaite avant tout que qu’un compromis soit trouvé, “l’ARS Mayotte, c’est un défi militant, mais à durée limitée pour moi, je veux laisser une agence en bon état de marche”.
Anne Perzo-Lafond
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