JDM : Quels sont les points forts que vous dégagez de votre mandat à l’heure de passer la main ? Aujourd’hui, vous êtes ému ou soulagé ?
Soibahadine Ibrahim Ramadani : Je modérément ému, mais très soulagé, car j’ai le sentiment du devoir accompli à un mois et quelques jours de la passation du pouvoir.
Notre action majeure a été l’assainissement des finances départementales. A mon arrivée le 2 avril 2015, le déficit se montait à 53 millions d’euros, et, c’est le curieux hasard des chiffres, je pars en laissant 53 millions d’excédent.
Nous avons également normalisé les relations partenariales avec l’Etat et les autres collectivités locales, amélioré la gestion des ressources humaines. Le nombre d’effectifs globaux qui était de 3.276 en début de mandat, est descendu à 2.712 à la clôture de l’exercice 2020.
JDM : Des effets de la signature du Contrat de Cahors* avec l’Etat ?
Soibahadine Ibrahim Ramadani : « Pas seulement. C’est lié à notre Plan d’actions volontariste du 10 décembre 2015 qui ciblait les économies à effectuer et la recherche de recettes supplémentaires. Se sont ajoutés les résultats positifs du mémorandum budgétaire et financier de 2016 signé avec le premier ministre Manuel Valls. Et le contrat de Cahors signé en 2017 n’a fait qu’appuyer les démarches en cours, en nous permettant de percevoir des compensations financières de l’Etat, prévues lorsque les objectifs étaient tenus.
Un excédent pour quels investissements ?
Soibahadine Ibrahim Ramadani : Nous avons financé ou cofinancé beaucoup de projets pour les collectivités locales, accompagné les entreprises lors de la crise Covid, les personnes en difficulté avec 5 millions de bons alimentaires, participé au Data centre pour la sécurisation des données, largement assumé notre compétence dans l’action sociale…
Vous êtes en conflit ouvert avec la délégataire du port de Longoni. Où en est la suspension de la Délégation de Service Public (DSP) que vous aviez envisagé ?
Soibahadine Ibrahim Ramadani : « Ce n’est pas une suspension que je souhaitais, mais une résiliation de cette DSP. En 2017, nous avions rassemblé toutes les pièces qui le permettaient. Mais l’Etat ne nous a pas suivi, nous a recommandé la conciliation et a envoyé une succession de missions d’inspection. Donc j’ai considéré que nous n’avions pas l’appui de notre partenaire principal dans cette affaire qu’est l’Etat, notamment de la ministre de la Transition écologique, chargée des Transports. Par contre, la tendance s’est inversée depuis 2019, je subis de fortes pressions de leur part pour résilier, mais j’ai décidé de laisser cela à mon successeur.
Quel est le pire souvenir de votre mandature ?
Soibahadine Ibrahim Ramadani : Sans conteste, la grève du Medef de 2016 au sujet des taux d’octroi de mer. Alors que nous avions prévu de recevoir une délégation, le président du Medef d’alors, Thierry Galarme, un voyou, a escaladé la clôture avec une délégation, pour m’apostropher sur l’esplanade du conseil départemental. J’étais seul face à eux. Nous avons de toute façon voté sans problème le passage de l’octroi de mer à 5%, mais l’action était disproportionnée.
A ranger dans les moments houleux, la grève de 2018 quand l’intersyndicale vous a fait sortir sous les sifflets de l’hémicycle avec le sénateur Thani…
Soibahadine Ibrahim Ramadani : Oui, mais là, je n’étais pas seul, c’était un moment douloureux mais partagé.
A l’inverse, quel est votre meilleur souvenir ?
Soibahadine Ibrahim Ramadani : « Sans conteste, c’est ma présentation du Cadre stratégique de Coopération décentralisée et d’Action internationale en 2018 lors de la Conférence des Ambassadeurs en présence de la ministre Annick Girardin. Elle a adopté immédiatement cette ligne de conduite régionale. Il permettait d’associer les ambassadeurs de la zone pour échanger avec les pays Est-Africains comme la Tanzanie, le Mozambique, le Kenya, jusqu’à Djibouti pour mener des actions de concert. Une coopération renforcée par la nomination de nos délégués dans les pays voisins, à Madagascar pour commencer, puis à venir, au Mozambique.
Pas au point d’arriver à des échanges fructueux avec les Comores ?
Soibahadine Ibrahim Ramadani : « La question est trop sensible, nous avons convenu avec les ambassadeurs français de se donner le temps ».
C’est enfin l’heure de la retraite puisque vous ne vous représentez pas. A quelle passion allez vous vous adonner ?
Soibahadine Ibrahim Ramadani : « Je suis déjà en retraite parlementaire depuis 2011, à la suite de mon mandat de sénateur, et civile depuis 2012, puisque j’étais enseignant. Je vais pouvoir reprendre mes activités culturelles, notamment des lectures historiques et je suis heureux de partir en laissant une BD riche sur ce plan là. »
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
* En 2018, 229 collectivités ont signé avec l’Etat un contrat fixant une trajectoire d’évolution de leurs dépenses de fonctionnement entre +0,75% et +1,65%pour trois ans. En contrepartie de l’effort demandé aux collectivités, l’Etat garantit la prévisibilité et la stabilité de ses concours financiers
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