A peine le ministre Sébastien Lecornu avait-il évoqué l’idée d’un projet de loi programme pour Mayotte, que les maires de Mayotte par leur association (AMM) et les présidents d’interco avaient mis leurs cerveaux en ordre de marche en sollicitant un cabinet de conseil. Partant de la déclaration de son président Madi Madi Souf, « on a déjà beaucoup consulté à Mayotte ! », l’objectif était de bâtir un diagnostic des programmes et plans existants, pour ensuite hiérarchiser les besoins. Une méthode imparable, qui permet aux maires d’argumenter les pieds dans la boue en tenant compte des avancées… ou pas. Et le résultat, c’est quasiment du prémâché pour les parlementaires mahorais : les amendements sont rédigés, annexés à la fin du document. Il ne reste qu’à les rattacher aux lois existantes… le sésame difficile à trouver.
L’argumentaire est construit au moyen d’un tableau à deux colonnes : les difficultés rencontrées par les maires dans leur quotidien, et en face, les solutions.
Des polices municipales qu’il va falloir considérablement étoffer, des taxes de ramassages d’ordures ménagères non perçues auprès d’une population en situation irrégulière qui utilise pourtant ces services publics « environ 70 % des producteurs de déchets sont des migrants qui ne paient aucun impôt local », un montant de 50.000 euros de rénovation par classe insuffisant, l’incapacité des collectivités encore trop fragiles pour récupérer certaines compétences comme les routes, les collèges et les lycées, les atermoiements de certains dispositifs dont les emplois aidés, la fragilité du trait de côte lors des grandes marées… à chaque problème sa solution qui s’appelle planification.
Crainte d’une « consultation sans traduction rapide »
La désorganisation actuelle qui fonctionne au coup par coup dans certains domaines est le plus sûr moyen de ne pas obtenir de compensation sur les charges effectuées par les collectivités. En conséquence de quoi, l’AMM préconise de planifier sur plusieurs années. C’est là un plan pluriannuel 2022-2026 de remise à niveau des équipements routiers, ou un plan pluriannuel de mise à niveau des infrastructures et moyens de la sécurité civile pour ce qui est de la menace de la montée des eaux, et encore ici un plan pluriannuel de mise à niveau des équipements scolaires du 1er et du 2nd degré (celui-ci existe, il avait été présenté à la presse par le préfet Sorain), ou la programmation pluriannuelle des Parcours Emploi Compétence à l’horizon de la mandature, etc.
En matière de titres de séjour, les remontées au ministère sont les mêmes en matière de constat, « Les visas à validité territoriale limitée (VTL), valables à Mayotte seulement, font du territoire un lieu d’assignation permanente, et sans perspective, de dizaines de milliers de personnes. La plupart vivent de l’économie informelle, qui fragilise les acteurs économiques qui paient l’impôt. Cette situation de précarité alimente une insécurité très pénalisante pour l’île. L’investissement touristique est freiné. Des Mahorais s’expatrient au lieu de partager leurs compétences et leurs ressources dans leur territoire, au bénéfice de ses habitants. » Et la solution même si elle vise à décompresser le territoire, est inclusive : « Un titre légal de droit commun. Les immigrés doivent devenir des acteurs économiques en capacité de s’intégrer dans l’économie légale du territoire, contribuer, notamment par les revenus de leur travail, aux charges collectives du territoire, et voyager. Nous demandons la suppression des visas territorialisés pour libérer la circulation sur l’ensemble du territoire national. »
Au même titre que la convergence des minimas sociaux, cette problématique relève de l’urgence pour les maires, avec la même demande que les autres élus, le passage par les ordonnances : « Il existe une situation d’urgence à Mayotte. La population va doubler avant 2030. Dans un environnement instable, l’immigration n’est pas maîtrisée. Les Mahorais redoutent d’avoir vécu une consultation sans traduction rapide. N’attendons pas une nouvelle explosion sociale, comme au début de 2018 ! Les enjeux du territoire trouveront difficilement place dans l’agenda parlementaire national avant 18 mois ou 2 ans. Les décisions institutionnelles prendront du temps pour une application au début de la prochaine mandature (2026, 2027), mais elles doivent être préparées bien avant. Les Maires et présidents d’intercommunalité appuient fermement la demande d’une loi d’habilitation pour les urgences locales permettant au Gouvernement de légiférer par ordonnances sans attendre la fin du quinquennat. »
Les maires se sont rendus à Paris pour remettre leur contribution ce lundi 7 juin au cabinet du ministre des Outre-mer.
Consulter Projet loi Mayotte contribution des maires
Anne Perzo-Lafond
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