Tonnerre d’applaudissements dans l’amphithéâtre du lycée des Lumières (ex-Mamoudzou Nord) à Kawéni. Plusieurs dizaines d’élèves avaient fait le déplacement de toute l’île pour y recevoir des prix suite à leur participation à plusieurs concours nationaux dans lesquels Mayotte s’est, grâce à eux, illustrée.
Arrivés en demi-finale, les élèves de CM2 de l’école Mtsangamouji 2 ont notamment fait valoir un projet de loi dans le cadre du “parlement des enfants”. Après avoir dressé un corollaire entre le taux d’obésité sur l’île et la qualité des collations, les élèves ont imaginé une loi qui imposerait de mieux éduquer à l’alimentation équilibrée dans les programmes scolaires, mais aussi à développer les circuits courts pour allier des collations plus saines à une économie axée sur les producteurs locaux. L’article 2 de la proposition prévoit ainsi que “les collectivités locales et établissements publics devront donner la priorité à des produits identifiés (…) les stratégies de développement économique seront élaborées en fonction des besoins réels de la population en favorisant la production locale.” On valide aussi l’idée.
A Dembéni, deux lycéennes “brillantes” selon l’inspectrice d’académie Loetizia Fayolle, ont planché sur l’année 1940, thème du concours 2021 et notamment sur la “résistance comme fondement d’une identité citoyenne”. Sur le même thème, 19 élèves de Bouéni M’titi, catégorie collège donc, ont produit des planches de BD sur l’entrée en résistance, sous différentes formes.
Le voyage dans le temps s’est poursuivi avec la production d’un court métrage de 11 élèves du collège de M’tsamboro sur l’affaire Meven qui a défrayé la chronique au XIXe siècle.
“En 1860 La famille Meven vient de la Réunion et devient propriétaire de 15ha consacrés à la canne à sucre” explique la vidéo en préambule.
Huit ans plus tard éclate “l’affaire Meven”, retracée par les élèves entre jeu d’acteur et gravures d’archives, le tout avec l’aide des Archives départementales. En résumé, le fils du concessionnaire de l’établissement sis à Longoni reçoit des engagés la demande d’un jour de repos. Il refuse et la répression est cruelle. Un engagé est emprisonné et meurt. Meven finit devant les Assises pour séquestration et homicide : la cour retient le chef de séquestration illégale avec torture mais pas d’homicide. Au delà du scandale qui l’affaire a pu susciter, celle-ci prend un sens tout particulier, alors que la loi Taubira faisant de l’esclavage un crime contre l’humanité fête cette année ses 20 ans.
“A travers le concours on peut constater que l’esclavage a bel et bien existé à Mayotte” explique une des élèves lauréates, qui note un autre bénéfice à leur travail. “On a aussi vaincu notre peur de se présenter ou de parler en public” sourit-elle.
Avant la présentation du travail des élèves du collège K2, ceux de Koungou ont reçu un “prix spécial” pour une vidéo engagée, présentée sous la forme d’un slam filmé en noir et blanc. Marqués cette année par les violents affrontements entre bandes rivales et gendarmerie, mais aussi par les décasages qui ont pu donner aux jeunes des images contradictoires des forces de l’ordre, ces collégiens ont pris le parti d’un soutien inconditionnel à ces dernières. “Nous disons stop aux caillassages, aux barrages, à la souffrance, à la violence” chantent ainsi les élèves. “Notre île est aussi violentée que parfumée”, “nous demandons la paix”. Quant aux gendarmes, “arrêtez de les embêter” plaident les jeunes dans leur vidéo.
Des productions saluées par le commissaire Halm, venu soutenir les productions du concours Clémenceau et qui s’est dit “frappé par la qualité” de ces dernières.
“Tous ces concours sont des concours nationaux, l’objectif était que l’académie de Mayotte y participe et ainsi montre son existence. On est parti sur 4 concours ouverts aux premier et second degré. Ces quatre concours ont été portés par des enseignants particulièrement motivés pour incarner des principes et des valeurs comme l’égalité, la liberté ou encore la souveraineté nationale. Les productions ont été examinées à l’échelle académiques puis sont parties sur Paris. Près de 150 jeunes ont participé à Mayotte. L’objectif de cette cérémonie est d’honorer les lauréats, leurs enseignants et leurs parents qui les ont accompagnés et faire en sorte qu’il y en ait encore plus l’année prochaine.”
Mais au delà des concours, la “petite ébullition” qui leur a donné vie témoigne d’une réalité tout aussi enthousiasmante. “Ces productions montrent l’investissement des élèves et une grande émotion” souligne l’inspectrice qui salue “le vécu et les messages de volonté d’égalité et d’insertion qui résonnent dans notre quotidien et dans les enjeux actuels”. Ce, malgré des “pages d’histoire qui sont lointaines puisqu’on va évoquer l’esclavage et la colonisation, et pourtant il y a des résonances, sous la thématique de la domination, de l’exploitation, il y a cet écho que les élèves vont s’approprier avec leurs propres représentations, et cet écho va leur permettre de se projeter vers un avenir davantage apaisé”. En travaillant sur les formes de résistance qui ont existé “dans un autre contexte”, les élèves ont fait vivre “un écho”, “toutes ces problématiques leur permettent de se construire une identité et une culture civique et citoyenne, c’est la raison d’être de ces différents concours.”
Y.D.
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