Il ne fait pas bon être retraité à Mayotte. Entre les agents de l’ancienne collectivité en quête de leur ancienneté, ceux dont les fichiers ont été perdus dans l’incendie de la CSSM en 1993 ou les cotisants d’avant l’indépendance des Comores, il est déjà difficile d’avoir ses trimestres. Ajoutez à cela un plafond bien plus bas qu’au niveau national, et on se retrouve avec des pensions ridicules, dont la plus basse est de 5€.
Dans ce contexte, “la situation de la retraite du régime général à Mayotte devient préoccupante” admet pudiquement la CSSM dans un long communiqué qui précise “ses propositions pour une revalorisation des retraites dans le cadre du projet de loi programme sur Mayotte.” Ces propositions, propres à Mayotte, partent du postulat que “les particularités historiques et administratives, entourant les dossiers des cotisants, nécessitent un traitement spécifique tel que proposé dans le dossier joint (document complet à retrouver en bas de cet article).”
Elaborée par une commission qui réunissait notamment Salim Nahouda (président de la CSSM et secrétaire de la CGT-Ma) et Carla Baltus, présidente du Medef, cette note “a pour objet de proposer des stratégies pour revaloriser le montant des retraites du régime de Mayotte. Il y est fait état : – de la revalorisation des retraites déjà versées, – du salaire servant de base pour le calcul de la retraite, – du taux de calcul lorsque l’assuré n’est pas au taux plein, – des trimestres cotisés avec deux périodes à étudier en particulier (la période de 1987 à 1992 et la période avant 1987), – et de la retraite des travailleurs indépendants.”
Quelques chiffres illustrent la nécessité de repenser les retraites mahoraises. En 2020, Mayotte compte 2279 retraités, c’est presque 10% de plus qu’en 2019. Or, la retraite moyenne n’est que de 655€. Ce n’est pourtant pas la trésorerie qui manque, puisque les actifs financent amplement le système actuel. En effet, “en 2020, la CSSM a encaissé 62,27 millions d’euros de cotisations sociales vieillesse, soit +3 % par rapport à l’exercice 2019. En contrepartie, elle a versé une masse financière s’élevant à 7,41 millions d’euros de pensions retraites, en hausse de +8,8 % sur un an”. En d’autres termes, la population vieillit, mais les aînés restent si peu nombreux qu’il apparaît inconcevable de ne pas s’intéresser à une amélioration de leur sort.
Avec des cotisations basses -le plan de convergence prévoit un alignement avec la métropole à l’horizon 2036- et des carrières incomplètes pour diverses raisons -incendies, indépendance des Comores en 1977, changement de statut de la collectivité territoriale en département etc.- les retraites sont elles aussi peu élevées, avec des conséquences palpables : “ralentissement de l’économie à cause du faible pouvoir d’achat des retraités, Départ en retraite retardé, donc pas de remplacement par les jeunes, ce qui augmente le chômage des moins de 25 ans, Durée de vie à la retraite plus faible qu’en métropole : l’espérance de vie à la naissance est de 76 ans à Mayotte contre 83 ans en France, Productivité des entreprises moindre car le personnel est âgé (notamment dans les métiers à forte pénibilité)”. Des enjeux qui ont de quoi mettre syndicats et patronat d’accord sur la nécessité de redonner du pouvoir d’achat aux séniors. “Ces paramètres spécifiques conduisent à des montants de retraite plus faibles qu’au régime général, le montant maximum versé étant égal à 705,35 € et le montant minimum à 5€” indique en effet le document.
Salim Nahouda parle même “d’urgence”. « Le Conseil de la CSSM note l’urgence d’améliorer les retraites de nos aînés qui ont travaillé pendant toute une vie et qui touchent une retraite de misère. En effet, il faut rappeler qu’en moyenne, en 2020, un retraité de droit privé touche 276 € de pension par mois et que la CSSM verse des pensions de 20 euros ! »
Dès lors, plusieurs pistes sont évoquées : se rapprocher des banques pour permettre à ceux dont le dossier a été perdu de prouver les salaires versés à certaines périodes, une “revalorisation exceptionnelle des pensions mahoraises en appliquant un coefficient sur le montant de retraite le plus élevé (parmi les pensions payées) pour atteindre la retraite maximale théorique” mais aussi une évolution des modes de calcul de la retraite. En jouant par exemple sur le taux de minoration en cas de départ anticipé, certaines retraites pourraient plus que doubler. Autre option, revaloriser les trimestres pour compenser ceux qui manquent. “Parmi les dossiers liquidés en 2020, près de 70% ont cotisé moins de 57 trimestres, avec une moyenne de 29 trimestres” indique la CSSM. Il serait donc possible de “reconstituer” des carrières incomplètes administrativement en proposant de “valider les trimestres de 1987 à 1992, soit 24 trimestres, si l’assuré peut justifier de son activité
par un document (contrat, attestation de travail, un bulletin de salaire) ou par un témoignage, sans demander la production des bulletins de salaires”. Un soulagement à prévoir pour tous ceux qui, n’ayant “pas la culture de l’écrit” n’ont pas conservé leurs bulletins de salaire pendant ces années.
Pour les plus âgés, qui ont cotisé à l’époque du “territoire français d’outre mer des Comores”, il deviendrait possible de “porter les périodes travaillées aux Comores par les salariés mahorais avant l’indépendance comme des périodes assimilées pouvant ouvrir droit à des carrières, à l’instar des périodes travaillées en Algérie avant le 1er juillet 1962.”
Enfin concernant les indépendants, un vide juridique a conduit à une “carence de 8 années de carrière, soit 32 trimestres” depuis 2012. Il est ainsi proposé “d’étendre au Département de Mayotte le dispositif des cotisations arriérées, des professionnels qui souhaitent constituer une carrière pendant toutes les périodes lacunaires (du 01/01/2012 au 31/12/2018) [et de] faire l’appel à cotisations très rapidement avant que les périodes à compter du 1er janvier 2019 ne soient prescrites ou suspendre exceptionnellement la prescription.”
Y.D.
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