« Je veux juste présenter mes excuses à la famille. Je suis désolé. Je n’ai pas voulu que ça se passe comme ça. » Si, au micro, les regrets de N.A. paraissent sincères, il n’est pas certain qu’ils suffisent à apaiser la mère de la victime. Cette dernière ne s’y est d’ailleurs pas trompée, en quittant la salle d’audience B du tribunal de Mamoudzou, après avoir entendu que le meurtrier de son fils était « quelqu’un de gentil ». Sans connaître la sombre histoire d’il y a cinq ans, effectivement, N.A. ressemble à quelqu’un d’on-ne-peut-plus normal. En cette matinée du 30 juin, le prévenu vêtu d’une chemise à fleurs et d’un jean apparaît prostré, quasiment muet et regardant le sol, comme pour essayer de cacher sa carrure très imposante « qui lui fait défaut », selon son avocate. Le physique du jeune homme est pourtant loin d’être ce qui lui est reproché.
Nous sommes en 2016, sur la plage de Mtsahara, à l’extrême nord-ouest de Mayotte. N.A., 22 ans, est quelqu’un de solitaire, n’étant proche que de sa mère, qu’il ne quitte même pas lors des suspensions de séance, et de ses chiens, qu’il considère « comme des amis ». Un jour, ses fidèles compagnons sont dérobés. Dès lors, son sang ne fait qu’un tour, et il va à l’encontre de la fratrie qu’il suspecte d’avoir commis cet acte. La situation s’envenime sur la plage, et le grand frère des présumés voleurs vole à la rescousse de sa famille. Un combat à mains nues s’engage entre les deux jeunes hommes, qui finissent presque par lutter sur le sable, les jambes de l’un entravant les hanches de l’autre.
« Papa, donne-moi ta main, parce que là je vais mourir »
Soudain, N.A. s’empare d’un couteau, dont l’enquête – et les déclarations contradictoires du prévenu – ne permettra pas de déterminer s’il l’avait déjà en sa possession ou s’il était planté dans le sable. Fou de rage, il plante la lame de 31 centimètres dans le flanc du grand frère. Promptement, des témoins interviennent pour séparer les belligérants. La victime, quant à elle, s’écroule, souffrant d’une artère sectionnée et d’une « hémorragie massive », selon le rapport médical. Le jeune homme à terre, lors de ses derniers moments, appelle à l’aide ses petits frères. Son père vient même le prendre dans ses bras, et recueillir des dernières paroles qui, même cinq ans plus tard, font parcourir un frisson sur l’échine de l’audience : « Papa, donne-moi ta main, je vais m’excuser si j’ai commis des fautes, parce que là je vais mourir ».
Face à ce récit dramatique, difficile de minimiser les faits de N.A., malgré une bonne défense de Me. Cooper, son avocate. « Quand on enfonce un couteau de 31 centimètres dans la chair de quelqu’un, ça finit rarement bien », s’exclame l’avocat général. Même son de cloche du côté de l’avocate de la partie civile, qui considère qu’il « n’y a rien de compliqué dans ce qu’il s’est passé ce jour-là. Il a pris une vie ». Désormais âgé de 27 ans, N.A. est « bien intégré », marié, avec un enfant, et a déjà passé un an et dix mois à Majicavo. Mais « 22 mois ne suffisent pas » pour l’avocat général, qui requiert sept ans d’emprisonnement. Après délibération, la cour et les jurés le condamnent à cinq ans ferme, assortis d’une interdiction de détenir une arme et d’une privation du droit à l’éligibilité.
Axel Nodinot
Comments are closed.