Suite au rapport sans concession du défenseur des droits, le Conseil départemental a souhaité nous donner des nouvelles de l’enfant laissé deux ans sans identité, et s’expliquer sur le fond de ce dossier, que le défenseur des droits qualifiait sobrement de “lacunaire”.
“Le jeune S. O., admis en qualité de pupille de l’Etat et dont la situation administrative est aujourd’hui régularisée, est, depuis le 13 janvier 2020, placé à l’EEAP (Etablissement pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés). Il va plutôt bien. Néanmoins, son degré de handicap ne lui permet pas trop d’être en interaction, ce qui compromet tout projet d’adoption pour lui.”
Après trois ans dans une famille d’accueil, l’enfant a donc selon le Département été confié à une structure adaptée à son lourd handicap.
Le Département regrette surtout le ton adopté par le Défenseur des droits, le jugeant “à charge”.
“Il est tout à fait regrettable, qu’ici, le rapport accable l’ASE, et ce alors que des éléments permettent de constater que cette responsabilité lui est imputée exclusivement à tort.
Pour exemple, ledit rapport indique bien qu’« il faut, en outre, relever qu’il existe au Centre Hospitalier de Mayotte, où aurait été conduit l’enfant, une antenne de déclaration de naissance où sont présents des officiers d’état civil. » Or, l’enfant a été admis au CHM, suite à sa découverte, et c’est après que l’ASE a été alertée. Pourquoi le rôle du CHM tout comme celui des officiers d’état-civil présents au CHM n’est pas, en l’espèce, interrogé, s’agissant d’un enfant arrivé sans identité ? Par ailleurs, le même rapport rappelle les termes de l’article 55, alinéa 2, du code civil qui pose l’obligation de l’autorité judiciaire en matière d’état civil et de rajouter « Ainsi, l’action est engagée par toute personne intéressée, et peut être engagée d’office par le ministère public, qui doit prendre l’initiative de l’instance en déclaration judiciaire dès qu’il a connaissance du défaut de déclaration. Il lui appartient d’apprécier s’il doit appeler en la cause les personnes qui auraient dû déclarer la naissance. Il est ainsi permis de s’interroger sur les délais écoulés entre le moment où le parquet puis le juge des enfants ont été informés de l’existence de cet enfant sans identité, et celui où le jugement déclaratif d’état civil a finalement été prononcé. A cet égard, le Défenseur des droits rappelle qu’il appartient à l’autorité judiciaire, lorsqu’elle est informée de la situation d’un enfant sans identité, d’initier les procédures adéquates avec la plus grande célérité. »”
Une responsabilité des communes ?
Pour le Conseil départemental, il est aussi regrettable que ” le ton ne soit pas le même selon qui se trouve mis en cause. En réalité, l’ASE a bien effectué toutes les diligences nécessaires pour que le jeune puisse disposer d’un acte de naissance. Le problème en est que beaucoup de services d’état civil à Mayotte refusent d’établir une identité pour les enfants trouvés. Ceci est un problème courant. Dans le cas de S. O., les services de l’ASE, à défaut d’une réponse satisfaisante de la part de la commune du lieu de découverte de l’enfant, avaient saisi l’autorité judiciaire en conséquence. Des éléments d’information portés à la connaissance du Défenseur De Droits qui avait ainsi saisi à son tour, l’autorité judiciaire, en renfort.
Or, ici, le rapport indique que le Défenseur des droits « constate cependant qu’il a été prononcé peu après qu’il a alerté le procureur de la République et le juge des enfants de Mayotte, et adressé sa demande d’information à la direction de la protection de l’enfance. ». Il aurait été plus équitable de préciser que cette saisine et non « alerte » du Parquet venait en appui de celle effectuée par l’ASE depuis fort longtemps et restée sans réponse jusque-là.”
Deux enfants encore sans identité recensés par les services
Le CD rappelle en outre que l’ASE est une compétence encore jeune, qui a une “histoire douloureuse”.
“Sans vouloir nier des difficultés de fonctionnement des services de l’ASE à Mayotte, qui s’expliquent en grande partie par l’histoire souvent douloureuse de cette mission sur le territoire et dont le processus de restructuration commence à porter ses fruits, il convient néanmoins de signaler que le rapport est à charge et comporte même parfois des éléments inexacts. Enfin, pour ce qui est des enfants sans identité, il n’est nullement besoin de les recenser puisqu’ils sont parfaitement connus du service. Aujourd’hui, ils sont encore au nombre de deux, pour les raisons évoquées plus haut. Il s’agit d’enfants trouvés et dont l’état civil n’a pas été établi, encore une fois, par les communes du lieu de découverte par refus. Des requêtes adressées à l’autorité judiciaires, par l’ASE, sont encore en attente d’audience.”
Autrement dit, le Conseil départemental compte répondre au défenseur des droits en lui fournissant les éléments évoqués ci-dessus. Une bonne nouvelle en soi, puisque c’était précisément ce qu’espérait le défenseur des droits en rendant son rapport public, dans lequel il dénonçait l’absence de répondu du CD à ses sollicitations.
On comprend aussi entre les lignes une volonté de continuer à améliorer les services de l’ASE, ce qui ne peut qu’être bienvenu, a forciori sur une île où plus de la moitié des habitants sont mineurs.
Y.D.
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