Le jeune homme à la barre porte les vêtements sombres et abîmés qu’il portait samedi matin lors de son interpellation. Des habits déchirés car ladite arrestation ne s’est pas déroulée sans difficulté. Il était à peine plus de 5h quand un équipage de la BAC de nuit est appelé pour des violences au rond-point de Doujani. Les fonctionnaires remarquent plusieurs jeunes portant des pierres, des cagoules et des bouteilles en verre. Ceux-ci se trouvent alors au niveau de la station de lavage et déambulent vers l’école. Pour les coincer, les policiers font le tour du quartier afin de les prendre en tenaille, et la poursuite se termine, à pieds, dans les ruelles.
Les policiers ciblent leurs efforts sur un des jeunes, visiblement ivre, porteur d’une pierre et d’une bouteille pleine d’un liquide “non identifié”. Ce dernier lance sa bouteille vers les policiers, heureusement celle-ci se brise au sol sans faire de blessé. Dans sa fuite, il perd l’équilibre et chute. Les fonctionnaires le rattrapent et tentent de le menotter. Le jeune homme se débat, tente de porter des coups -sans succès- et finit embarqué dans la voiture de patrouille qui démarre en trombe, ciblée par d’autres jeunes “hostiles” qui vise l’équipage avec des pierres. Il est alors 5h10. Ce n’est qu’en fin de matinée que son état permet au jeune homme d’être soumis à un test d’alcoolémie, qui se révèle bien chargé, avec 0,50mg d’alcool par litre d’air expiré, plus de 6h après son arrestation.
Alors que le suspect est en garde à vue, un homme se présente au commissariat pour se plaindre de caillassage et d’un vol avec violence commis le matin-même à Doujani. Il explique qu’une demi douzaine d’individus armés de pierre ont tenté de le faire descendre de sa voiture, et que l’un d’eux lui a volé son sac avec ses papiers. “Je me suis dit, si je descends je suis mort” exprime-t-il encore choqué à la barre du tribunal correctionnel ce lundi. Il décide alors de démarrer et de prendre la fuite, avec succès mais sans ses papiers. Là, son identité rejoint l’opération du matin. En effet, dans les poches du jeune interpellé figuraient… les papiers de la victime de vol. Il n’en fallait pas plus pour lui coller une accusation de recel, faute de pouvoir prouver qu’il faisait partie de l’embuscade.
Puis d’autres plaintes arrivent, notamment trois jeunes qui se trouvaient, peu avant 5h dans une voiture caillassée au même endroit. Dans la voiture revenant d’une soirée festive, un des jeunes assis à l’arrière a été légèrement blessé quand une pierre de la taille d’un demi parpaing a traversé sa vitre latérale. Deux d’entre eux reconnaissent formellement le prévenu comme ayant lancé la grosse pierre. “Ce cauchemar sera toujours dans ma tête ” souffle la passagère, toisant le prévenu d’un œil sévère.
“L’alcool n’est pas une circonstance atténuante”
Malgré ces témoignages et la présence des papiers volés dans sa poche, le jeune homme lui se borne à dire qu’il était ivre et qu’il ne se souvient de presque rien, sinon d’avoir été arrêté dans le calme. Sans emporter une grande conviction des magistrats.
“L’alcool n’est pas une circonstance atténuante. On ne peut pas se cacher derrière une amnésie un peu commode” balaye le substitut du procureur Ludovic Folliet. Et ce dernier de rappeler que le prévenu, mis en cause dans une affaire d’une tout autre gravité, “est sous contrôle judiciaire, une mesure de confiance, et on le retrouve armé et en état d’ébriété en train de commettre des infractions insupportables et sources de souffrance. Je demande 6 mois avec incarcération immédiate” requiert le représentant du ministère public.
Une sévérité injustifiée pour l’avocate de la défense Me Baudry, pour qui au regard de témoignages qui ne concordent pas tous, “on n’a pas la certitude qu’il soit l’auteur du jet de pierre”. L’avocate décrit un jeune “en errance”, qui a obtenu son bac pro mais n’a pu partir suivre la formation pour laquelle il avait été retenu à Lyon faute de papiers. Bien que né en France, son dossier serait toujours en cours à la préfecture assure le jeune homme qui s’est ainsi retrouvé privé de travail et d’études. Une situation administrative qui ne suffit cependant pas à expliquer et encore moins à justifier son parcours délinquant. En effet il était ce lundi jugé en récidive légale de faits commis en 2018. Ce qui a sans doute pesé dans la décision de l’envoyer fissa en détention.
Y.D.
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