Grégory D., le ressortissant belge arrêté début août à Sada, gérait-il vraiment une association de protection des tortues comme il l’a affirmé aux juges de La Réunion ? La question méritait d’être posée, et s’y pencher soulève plus de questions qu’autre chose.
Une brève recherche permet de retrouver la trace d’une telle structure sur l’agrégateur d’acteurs maritimes Ocean Expert, qui référence l’association du citoyen belge actuellement en détention à Domenjod. Sur cette page, l’homme se présente en uniforme de marin, et affirme œuvrer dans les domaines [listés en anglais] de l’océanographie, de l’écologie marine, des produits de la mer ou encore de la biotechnologie marine. Rien de bien précis donc.
En français cette fois, il décrit une association “créée pour la préservation et la sauvegarde des océans. En l’occurrence, toute la biodiversité sous-marine, la faune et la flore. Nous luttons également pour la pollution plastique par des campagnes de préventions et des missions futures sur le terrain”. Il est ajouté que l’association est “en plein développement” et que son fondateur se forme en “sciences en biologie marine afin de peaufiner nos recherches et nos combats”. La page fournit aussi les liens vers deux sites Web, mais aucun n’est actif, ainsi qu’une page Facebook, elle aussi introuvable.
Une asso pour “récolter des fonds”
En faisant une recherche plus poussée sur les archives du Web, on peut voir que les sites ont bien existé par le passé, avec une dernière activité le 29 octobre 2020 pour l’un et le 14 août 2020 pour l’autre. Grégory D s’y dit “passionné de yachting” y dresse une présentation de son “association internationale sans but lucratif créée par une famille sensible à l’état critique de notre planète” et y précise l’objet premier de l’association : “récolter des fonds pour la réalisation de projets et de missions nationales et internationales à l’égard des Mers, des Océans, des côtes ainsi que toute la biodiversité qui touche la faune et la flore de tous ces écosystèmes”. Parmi ces “projets”, l’acquisition d’un “catamaran permettant l’exploration de ces zones abîmées et polluées pour y trouver des solutions, présenter la réalité au public et se tourner vers une recherche concrète à des mesures mondiales”. Le site incluait un lien pour “faire un don”
Une page Facebook, créée le 9 août 2018 et toujours active celle-ci, renvoie vers un de ces sites désactivés. Là, de nombreuses publications témoignent de l’activité en ligne de leur gestionnaire. On y trouve un fourre-tout hétéroclite de vidéos sur l’écologie marine, de liens vers des pages associatives ou encore des petites annonces de disparition de bateau. Mais pas de mention de l’activité de l’association, d’une éventuelle levée de fonds ou de projets concrets. A l’exception d’un lien vers une campagne Ulule lancée le 29 mai 2019, soit bien avant l’arrivée du couple à Mayotte. Un compte Youtube fait aussi la promotion de l’association avec de belles images présentées en musique, toujours sans projet concret. Sauf un. Dans la première vidéo, le fondateur de l’association présente un projet d’acquisition d’un maxi-catamaran habitable de marque Lagoon 42 pour une “expédition”, avec une “livraison entre février et avril 2019”. De quoi expliquer la cagnotte destinée selon Ulule à “une famille [qui] abandonne tout pour sauver les océans”. Ce type de voilier coûte un bon demi-million d’euros neuf. Or, selon la presse belge, Grégory D avait hérité quelque 250 000€ de son ex-femme… après l’avoir tuée. Il était le seul héritier de la dame, 30 ans plus âgée que lui.
Il apparaît que le gérant de cette activité aux allures de coquille vide a surtout abandonné les années de prison qu’il lui reste à purger, et qu’il prévoyait de prendre le (grand) large bien avant de s’envoler pour Mayotte.
Y.D.
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