Derniers chiffres en date issus du recensement de l’INSEE : en 2017 en France, au moins 90 % des ménages possèdent au moins un téléphone portable, y compris à Mayotte, soit presque autant que les ménages métropolitains (93 %). En revanche, sur la même année, la fracture numérique est flagrante puisque seuls 17 % des ménages disposent d’un accès haut débit à leur domicile ici, soit quatre fois moins qu’en métropole. Et si 4 ménages sur 10 possèdent des tablettes tactiles en métropole, et 3 sur 10 dans les 4 autres DOM, cet équipement n’est présent que chez un ménage sur 6 à Mayotte.
Là encore, c’est la crise Covid qui a permis de souligner ce fossé, et qui a incité le rectorat à mettre en place des moyens de substitution lors des deux confinements majeurs. Mais il fallait passer à l’étape supérieure.
Présent à Mtsamboro village pour lancer la campagne de numérisation des écoles, le recteur Gilles Halbout espère que cette période de confinement est « derrière nous », « avec une rentrée annoncée en présentiel sur l’ensemble du territoire national ». Tout en voyant à travers ce développement du numérique dans les écoles « matière à œuvrer en faveur de la continuité pédagogique, mais aussi une première approche d’outils du quotidien ».
Comme l’explique Sandrine Ingremeau, Déléguée académique au numérique, c’est le Plan de relance gouvernemental post-Covid qui est sollicité, alloué à hauteur de 600 millions d’euros pour Mayotte. Une somme à engager avant 2022 avait annoncé le préfet Colombet. Le ministère de l’Education nationale avait indiqué vouloir en décliner une partie en équipement numérique.
« Nous ne faisons que rajouter des couleurs »
« Toutes les écoles élémentaires de Mayotte sont concernées, même si deux communes n’ont pas manifesté leur intention de signer la convention. A Mtsamboro, cela concerne les 5 écoles élémentaires, pour lesquelles l’investissement sera de 300.000 euros, dont 200.000 euros financés par le Plan de relance. » C’est un « début d’équipement », précise-t-elle, « chaque école sera dotée en fonction de ses demandes, certaines en ordinateurs, d’autres en rétroprojecteur, d’autres en tablettes. Il s’agit de former les élèves aux outils numériques, et les habituer à les utiliser le plus souvent possible. »
Une action qui réjouit le maire Laïthidine Ben Said : « La crise a démontré que le numérique est indispensable, or ces équipements sont inexistants dans les écoles de Mtsamboro ».
Derrière chaque élève, il va falloir un enseignant formé, comme le souligne le recteur : « on a débloqué des moyens pour cela. Nous allons ainsi toucher 54 classes et 1000 élèves rien que sur Mtsamboro. Sur l’ensemble du territoire, c’est 3,5 millions d’euros qui sont débloqués pour les 17 communes, alors que 15 ont répondu présent. Tant pis pour les deux absentes ! » S’il s’est refusé à divulguer les noms, il sera facile de faire les comptes à la fin des signatures. On peut craindre qu’il s’agisse de communes déjà sinistrées à l’image de Koungou.
En tout cas, à Mtsamboro il ne pleuvait que des bonnes notes sur les équipes municipales et l’inspecteur de circonscription, « très réactifs », se réjouissait Sandrine Ingremeau. Le matériel devrait être disponible avant la rentrée de janvier, et sera stocké dans chaque école dans un local sécurisé, indique le DGS.
Quant aux millions du Plan de relance, le recteur y voit d’autres utilisations, « notamment les constructions scolaires. » Selon le maire, la commune est à ce titre mal pourvue : « Les années 2000 n’ont vu naître aucune construction chez nous. Nous avons seulement rénové, je retrouve ainsi la salle de classe où j’ai été scolarisée ». Un constat que beaucoup peuvent partager en Hexagone où il est commun de retrouver la salle de classe de son enfance, mais qui ici se double d’immobilisme selon le maire, « nous n’avons pas changé le mobilier, nous ne faisons que rajouter de nouvelles couleurs aux murs. » Il évoque sa commune, première porte de l’entrée migratoire, « je sais bien que les priorités ici sont ailleurs », mais dont les effectifs d’élèves ne seraient pas gonflés pour autant selon le DGS.
Déjà la rentrée pour plusieurs élèves
Laïthidine Ben Said ne prêchait pas dans le vide, avec en main un projet de destruction de l’école Mtsamboro 2 visitée le matin même, pour reconstruire en lieu et place une école de 7 classes, « beaucoup d’enseignants veulent se lancer dans la pédagogie de projets ». Une initiative sur laquelle rebondissait le recteur : « Le ministère des outre-mer ayant lancé un financement spécifique pour booster les construction scolaires, une convention va être signée avec l’AFD, notamment pour des arrivées de renforts en ingénierie. » Un rôle normalement dédié à la DEAL, notamment sur les problématiques d’infiltration sur les écoles en bordure de littoral.
En matière de construction scolaire, un plan pluriannuel avait été élaboré et présenté par le préfet Sorain aux maires. Peu d’inaugurations depuis, et si le foncier est souvent invoqué, un point ne serait pas inutile. La mairie de Mtsamboro en tout cas compte rédiger son propre Schéma directeur mentionnant les écoles à rénover. Pendant les vacances, et pour assurer l’ouverture de l’ensemble des 54 classes, des travaux ont été menés par la mairie, débouchant sur des réaffectations d’élèves notamment entre les écoles de Mtsahara Plateau et Mtsahara Plage.
Pour quelques élèves, c’était d’ailleurs un début de rentrée lundi dernier, qui intégraient le dispositif de « Stages de réussite ». Identifiés en difficulté, ils suivent en petits groupes une (r)emise à niveau sur la semaine, comme ils l’avaient fait sur la 1ère semaine de vacances, « certains ont beaucoup à rattraper », glisse Amina Aboudou, une enseignante bénévole. Pendant ce temps, ça frotte et ça astique dans les couloirs pour accueillir dans de bonnes conditions les élèves ce mardi 24 août de rentrée scolaire.
Anne Perzo-Lafond
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