Les autorités comoriennes ont expliqué que les deux journalistes français, refoulés jeudi 2 septembre à l’Aéroport international Moroni Prince Said Ibrahim (AIMPSI), ne remplissaient pas les conditions exigées pour entrer aux Comores. C’est le nouveau ministre de l’Intérieur, Mahamoud Fakridine, qui en a officiellement livré la version officielle ce vendredi 3 septembre au cours d’un point de presse.
Manque d’accréditations
“Pour ces deux journalistes, ce qui leur a été reproché, c’est d’être venus aux Comores sans être en possession des documents administratifs qui leur permette d’entrer sur le territoire comorien. Il faut, pour pouvoir entrer sur le territoire comorien, parce qu’on est journaliste et qu’on décide de faire un reportage, il faut que l’on puisse être muni d’un agrément qui est délivré par le Conseil national de la presse et de l’audiovisuel, le CNPA”, a-t-il souligné. “Malheureusement, ces deux journalistes n’ont pas fait la demande d’agrément. N’étant pas en possession de l’agrément, ils n’ont pas pu entrer sur le territoire comorien. Les services de la police aux frontières ont décidé de les refouler. Ils étaient donc accompagnés d’une dame qui, par solidarité avec les journalistes, a préféré retourner en France avec eux”, a ajouté le ministre comorien de l’Intérieur.
Des membres du groupe “Mabedja” (les guerriers au sens historique du terme) ont dénoncé ces expulsions via les réseaux sociaux, soulignant que les deux journalistes français n’avaient pas besoin des documents cités pour séjourner aux Comores compte tenu de leurs statuts et dès lors qu’ils pouvaient prendre leurs visas sur place.
“Ce sont des journalistes, ils avaient le droit de faire librement leur travail aux Comores. C’est une violation du droit d’informer”, a expliqué l’un d’eux sur une courte vidéo mise en ligne quelques heures après leur expulsion. Les deux journalistes expulsés sont rentrés sains et saufs à Paris. “Contrairement à ce qui a été dit, nous n’avons subi aucun mauvais traitement aux Comores”, a déclaré ce vendredi 3 septembre, Julien Blanc-Gras, dans une vidéo, depuis l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle et où ils précisent encore qu’ils n’étaient pas des employés de France 2.
Le directeur général de la Police nationale et de la sûreté du territoire a fourni quelques détails de la mesure de refoulement prise contre Julien Blanc-Gras et Éric Chebassier. “Il s’agit pour nous d’une entrée illégale. Ils ne répondaient pas aux critères prévus et permettant d’entrer sur le territoire national”, a précisé l’inspecteur de police Abdel-Kader Mohamed. Ce dernier a ensuite ajouté que “les deux journalistes n’avaient pas d’accréditations” délivrées habituellement par le Conseil national de la Presse et de l’Audiovisuel (CNPA).
Une marche pacifique annoncée mais interdite
Contacté, le président de cette instance en charge de la régulation a fait savoir, en aparté, que la demande d’accréditation est faite par le ou les organes de presse qui souhaitent envoyer leurs journalistes dans un pays pour un voyage de presse ou un évènement dûment autorisé. “Les medias font leur demande d’accréditation auprès du CNPA qui la vérifie avant de délivrer les accréditations aux journalistes des organes demandeurs”, a précisé Mohamed Boudouri, le président du CNPA, peu après le point de presse du ministre de l’Intérieur.
Les expulsions des deux journalistes sont intervenues 24 heures avant “une marche pacifique pour la paix aux Comores” annoncée pour ce vendredi 3 septembre à Moroni par ce groupe de jeunes de la Diaspora. La marche est interdite par les autorités en charge de la sécurité. Les membres de ce groupe sont taxés, à tort ou à raison, d’apparatchiks de l’opposition. Ils avaient organisé un premier rassemblement, la semaine dernière à Ikoni, une ville jumelle de la capitale, Moroni au cours duquel ils avaient dénoncé le régime et fustigé la gouvernance du pays.
Les initiateurs, dans leur discours, prônent le changement aux Comores et dénoncent des faits comme “les viols sur mineurs, la pénurie des denrées alimentaires, le chômage de jeunes, les naufrages par kwasa, les noyades en méditerranée pour joindre l’Europe, les injustices, la hausse des prix et le climat d’insécurité”. Mais d’autres voix estiment qu’ils cachent “autre chose de nature à semer le chaos”. L’un d’eux l’a d’ailleurs précisé. “Nous ne pouvons pas dévoiler tous nos plans”, avait-il indiqué sur la plateforme numérique Al Comorya. Le ton donne l’impression que les fondateurs du groupe Mabedja, loin d’endosser les costumes de militants de la société civile, “agissent en solidarité avec les opposants au président Azali Assoumani”, selon des militants du pouvoir à Moroni.
Une situation qui brouille le discours officiel de ce groupe “connecté aux idéaux de l’opposition politique”, d’après une déclaration faite encore, jeudi 2 septembre, par des membres des coordinations de la Convention pour le renouveau des Comores (CRC), le principal parti au pouvoir. Le climat politique n’est pas au beau fixe aux Comores depuis les élections du 24 mars 2019 (…). Pouvoir et opposition ne sont toujours pas parvenus à s’assoir ensemble pour trouver une solution aux problèmes politico-institutionnels qui les divisent.
Des opposants organisent régulièrement des manifestations contre le régime comorien en France. De nombreux observateurs notent toutefois “le manque de leadership au sein des mouvements et structures opposés au pouvoir”. Les opposants agissent en ordre dispersé aux Comores avec l’existence de nombreux pôle de décisions. Mais ils s’apprêtent à “mettre en place une coordination unifiée dans les prochains jours”, d’après Hassane Ahmed El-Barwane, le secrétaire général du parti JUWA, la principale formation politique de l’opposition.
A.S.Kemba, Moroni
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