Embarquer à Hamouro, prendre le large direction Mamoudzou pour y arriver 15 à 20 minutes après, et rejoindre son bureau en se jouant des embouteillages, c’est un rêve que les automobilistes du matin n’osent même plus faire. C’est que, des projets de desserte maritime, il y en a eu depuis 20 ans. Un hôtel comme Trévani a même envisagé de lancer le concept à partir d’un ponton made by le gérant, pour acheminer ses clients vers l’aéroport. Histoire d’initier l’affaire.
Qui dit desserte maritime dit ponton. Or, les pontons de pêche à double usage de plaisance – ils étaient 7 – annoncés par les Affaires maritimes il y a 5 ans, n’ont pas encore vu le jour. Un connaisseur de Mayotte, Franck Metayer, a donc eu l’idée de planer au dessus du concept en élaborant un projet de desserte par hovercraft. C’est un temps que les plus de 20 ans ont pu connaître : les hovercrafts qui assuraient la liaison Calais-Douvres, permettaient de traverser en une demi-heure, et de planer au dessus de l’eau tout en atterrissant en douceur sur la plage. Ces « navions » ni navire, ni avion, ont rempli 30 ans de bons et loyaux services, leur rentabilité ayant été mise en cause.
« Ce ne sont plus les mêmes modèles, le concept a évolué », explique Franck Metayer, qui a récemment créé Hellio Ingenierie, Spécialiste en économies d’énergie. Il a baroudé à Mayotte il y a 20 ans, où il a participé à la création de plusieurs établissements hôteliers. « Je pense que pour désengorger les routes, il faut mettre en place des navettes rapides, sécurisées, confortables et efficaces. Depuis le sud, il faut pouvoir toucher Mamoudzou en 20 minutes ».
Des « navions » sur le lagon
Pour élaborer ce projet spécifique qui demande une maitrise des contraintes maritimes, il s’est associé avec un cabinet spécialisé, « le consultant d’un cabinet maritime en lien avec un constructeur australien d’hovercraft. Nous le connaissons, il fait de l’excellent travail. »
Le concept rejoint son cœur de métier juge-t-il, « ce sont des navettes qui respectent l’environnement puisque sans hélice, nous n’abimons ni les tortues, ni les coraux, et cela ne nécessite pas de construction de pontons, ni d’infrastructure élaborée aux points de départ et d’arrivée, étant donné que nous arrivons sur du sable. D’autant plus, que les pontons sont une solution uniquement sur les zones où il y a assez d’eau à marée basse. Enfin, hormis en saison des alizées, le lagon est plat et se prête à ces ‘navions’. » Un moyen de transport adapté selon lui au CHM ou aux pompiers.
Le dossier a été déposé en avril dernier sur les bureaux de la DEAL, et Franck Metayer est en train de monter la Compagnie Maritime de Mayotte (CMM) qui va porter le projet. « Je dois avant tout obtenir l’accord de la Commission de sécurité des navires.” Il mise sur des petits hovercrafts de 12 à 14 passagers, et sur 16 à 18 unités, “car il va falloir effectuer de nombreuses navettes, sur les périodes en tension sur la route, tôt le matin et en fin de journée. » Il a établi son business plan sur environ 800 passagers transportés par jour, « le principal coût, c’est la maintenance. Il faut se doter des compétences sur place, c’est indispensable. L’évolution dans les technologies de fabrication de la jupe du navire, qui permet au ‘navion’ de survoler le plan d’eau, permet de les rendre compétitives désormais. Avant, sur les gros hovercrafts, il fallait sortir 16 millions d’euros pour la changer, maintenant elles sont autour de 3.000 à 4.000 euros. C’est fonction de la taille du bateau. »
« Tout le monde y gagnera »
Le conseil départemental a été contacté, qui devra porter le projet, et les sources financements sont nombreuses qu’elles soient européennes ou à visée d’économie d’énergie.
Réputés comme étant énergivores, les moteurs thermiques ont eux aussi fait des progrès, assure le porteur de projet, « et ils cherchent à développer des moteurs à hydrogène ».
Le service sera payant et s’adresse à une clientèle qui pourra s’offrir ce moyen de transport rapide, « mais tout le monde y gagnera in fine, puisque j’estime que le nombre de voitures sur la route sera divisé par deux. »
Au départ, les déplacements vers Mamoudzou depuis Hamouro, « parce qu’il y a une plage » et Iloni, au sud, et depuis Dzoumogne et Longoni au Nord, seront priorisés. « Un grand parking permettra de déposer son véhicule, et le bus acheminera les passagers. »
Au regard des enjeux d’un bitume un peu plus engorgé chaque jour, le projet peut être rapidement monté, « en moins d’un an, dès la validation de la Commission de sécurité des navires. »
Anne Perzo-Lafond
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