La guerre du feu. Alors que 300 hectares – au bas mot – du couvert forestier mahorais part en fumée tous les ans, une véritable course contre la montre s’est engagée sur le territoire de la CCSud pour tenter d’endiguer ce fléau. « C’est fatiguant, on n’arrête pas », confie Jean-Pierre Cadière, à la tête de la brigade intercommunale de l’environnement. Pour autant le travail paie, assure le policier : « durant les premiers mois de 2021, on a pu observer une baisse de 50% des feux illégaux ». Une diminution qui ne doit rien au hasard : après avoir analysé les pratiques de brulis, la brigade parvient désormais à frapper de manière quasi-systématique.
« Avant on se faisait avoir, on voyait le feu et l’on ne trouvait personne sur place en s’y rendant. Dorénavant on sait que s’il est lancé le matin, il y aura du monde l’après-midi pour continuer à l’alimenter. Si c’est l’après-midi, ils ne reviendront que le lendemain matin car plus ça brûle, plus ça les arrange », indique le policier de l’environnement, dépité par le constat comme ces pratiques face auxquelles « la pédagogie ne marche pas ». À l’inverse des amendes de 135 euros – « avec les procédures électroniques, difficile d’y échapper »- distribuées à l’échelle d’une centaine par an. Et de la vingtaine d’autres cas par an qui finissent en correctionnelle. « Sauf autorisation de la DAAF demandée par des professionnels, les feux au sol sont toujours interdits », rappelle d’ailleurs le chef de la brigade.
Conjuguer les efforts face à la déforestation
« Ma mission c’est de protéger l’environnement, pas de dresser des contraventions. Dans un sens c’est un échec car ça veut dire que le mal est déjà fait mais force est de constater que ça marche, la baisse est sensible, on voit qu’ils ont peur de nous », fait valoir Jean-Pierre Cadière. Ils ? « Ce sont souvent des ouvriers clandestins, employés par des Mahorais sur des parcelles qui appartiennent souvent au département », dénonce encore le policier, appelant l’ensemble des acteurs à conjuguer leurs efforts face à la déforestation.
« On joue au chat et à la souris, quand ils défrichent une parcelle une année, ils en brûlent une autre l’année suivante. Et maintenant ils s’équipent de tronçonneuses pour éviter les feux ! À ce rythme là il n’y aura bientôt plus de forêt ni d’eau et rien ne poussera plus tellement les sols auront été abîmés », se désole-t-il, rappelant également « les ravages que cela fait sur le lagon ». « Dans le contexte d’accroissement démographique que l’on connaît, il faut absolument réfléchir à la protection de la forêt, sinon nous sommes foutus », exhorte-t-il encore.
Protéger la forêt en amont des incendies donc, mais aussi intervenir le plus efficacement lorsque ceux-ci se déclarent. Et c’est évidemment au Sdis 976 que cette dernière mission incombe. À l’image de l’opération menée en fin de semaine dernière sur les flancs du mont Bénara suite à un brulis non maîtrisé dans le secteur de Chirongui « C’était très physique, il fallait porter tout le matériel sur près de trois kilomètres à pied », rappelle le commandant Patrick Haon. Mais pour le chef du groupement sapeurs-pompiers, les images des soldats ratissant le sol ne révèlent rien d’une technique rudimentaire. « C’est ce qu’il se fait partout ailleurs pour circonscrire les feux au sol », explique-t-il.
Le Sdis s’équipe et envisage de nouveaux moyens
« Notre plus grande difficulté c’est que nous n’avons pas de pénétrantes – des pistes dédiées aux secours- pour permettre aux engins de passer. Le problème, c’est que les créer imposerait à notre tour de déforester », indique encore le pompier, assurant cependant que les solutions ne manquent pas. D’abord, « on peut établir des tuyaux sur plusieurs kilomètres », même si en l’occurrence, le dénivelé empêchait par la pression requise l’eau de monter. À cet effet, le SDIS est d’ailleurs désormais doté d’un camion citerne grande capacité de 10 000 litres, opérationnel depuis quelques semaines. « On aurait pu envisager également de faire déposer une bâche d’eau par l’hélicoptère de la gendarmerie », rappelle aussi Patrick Haon. Enfin, « c’est à mettre au conditionnel, mais nous sommes en train d’imaginer avec la sécurité civile que le Dash [un bombardier d’eau ou de produit retardant plus rapide et de plus grande capacité que le Canadair] de La Réunion puisse intervenir ici, on souhaiterait organiser des essais dans les prochains mois », confie l’officier. Une dernière arme de poids donc qui pourrait venir au secours des soldats du feu.
Grégoire Mérot
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