Le journal de Mayotte : Dans quelle mesure les différents participants mahorais avaient-ils accordés leurs violons pour faire avancer les sujets du territoire auprès des acteurs nationaux ?
Abdou Dahalani : C’est une délégation de fait qui s’est retrouvée à Nice. Alors que nous n’étions pas partis groupés depuis Mayotte, nous avons sur place décidé de nous constituer en une véritable délégation pour parler d’une même voix de Mayotte. Nous avons ainsi pu travailler ensemble pendant toutes les assises, rencontrer ensemble des interlocuteurs et quand cela n’était pas possible, nous nous rendions des comptes les uns aux autres à l’issue des rendez-vous.
Le J.DM : N’est-ce ce n’est pas révélateur d’un manque de dialogue local se confrontant à l’évidente nécessité de parler d’une même voix ?
A. D. : On relève effectivement cette idée là depuis longtemps. Nous nous engageons dans des politiques publiques mais nous avons trop souvent la faiblesse de ne pas nous organiser en collectif. Lors de ces assises, on a eu l’opportunité de partager une vision, de porter des synergies par exemple entre la stratégie économie bleue du Département et l’objectif du Parc marin de faire de Mayotte un pôle d’excellence maritime. Nous avons des raisons très objectives de travailler ensemble et ces assises ont effectivement été révélatrices de cette nécessité. D’ailleurs, c’est à la faveur de ce rendez-vous que nous avons pris l’engagement de continuer à travailler ensemble de retour sur le territoire.
Le J.D.M : Pourquoi avoir décidé de se rendre à ce rendez-vous pour la première fois?
A. D. : C’est un des plus grands rendez-vous de l’économie maritime, tous les acteurs s’y retrouvent, jusqu’au président de la République. Toutes les parties prenantes à l’évolution de ces secteurs y sont et il n’était pas bon que nous restions en marge de ce rendez-vous.
Pour notre première fois, nous avons ainsi pu rencontrer des acteurs majeurs, je pense notamment aux Clusters maritimes d’outre-mer qui nous ont accompagné durant toutes les assises. Mayotte devrait d’ailleurs dans les prochains mois intégrer cette grande famille des clusters maritimes.
Le J.D.M : Concrètement de quoi s’agit-il ?
A. D. : L’idée est d’avoir une structure mettant en synergie l’ensemble des métiers de la mer et adopter en commun des stratégies filière par filière, qu’il s’agisse de la pêche, du tourisme, de la recherche etc.
Nous sommes le dernier territoire à ne pas être doté de cet outil et à ne pas être organisé de cette manière mais cela devrait donc changer dans les prochains mois.
Le J.D.M : On aurait donc là de quoi pallier le manque de collaboration qui a pénalisé le territoire ?
A. D. : Je pense que dans toute politique il faut des leaders, des personnes qui prennent les sujets à bras le corps. Et je pense aussi que Mayotte a longtemps souffert d’un trop grand turn-over de cadres et de fonctionnaires. C’est une réalité qui nous affecte bien plus fortement que tout autre territoire et qui pénalise le portage des dossiers. Mais je crois que nous avons aujourd’hui une nouvelle génération, notamment portée par de jeunes mahorais, qui est sensibilisée à la question. Il faut dorénavant structurer tout cela de manière pérenne, de sorte que les acteurs soit identifiés autour d’un champ de compétence défini. Ceci afin que n’importe quel institution ou entreprise qui souhaite s’installer puisse facilement trouver comment s’équiper, se former, se financer etc.
Le J.D.M : En tant que pdt du Cesem vous avez aussi un regard sur l’action du Conseil départemental, est-on aujourd’hui dans une bonne dynamique concernant le maritime ?
A. D. : Nous n’avons pas le choix. Nous sommes condamnés à nous orienter vers la mer pour nous développer. Nous avons aujourd’hui l’avantage d’avoir des jeunes élus et l’on peut donc imaginer ou tout du moins espérer qu’ils vont rapidement prendre la mesure de leur responsabilité au niveau de l’économie de la mer.
Compte tenu des besoins de création d’emploi et des possibilités, on a là un sujet qui doit concentrer l’attention de tous les décideurs et il me semble que les représentants du Département qui se sont déplacés à Nice en ont largement conscience.
Le J.D.M : À Nice justement, avez vous trouvé des oreilles attentives au cas de Mayotte ?
A. D. : On a sensibilisé, que ce soit au niveau des outre-mer ou au niveau national. Nous avons par exemple rencontré une personnalité incontournable du maritime en la personne de François Houllier, le PDG de l’Ifremer. C’était un rendez-vous important car je suis convaincu que pour développer des politiques publiques et de l’économie autour de la mer, il est indispensable de développer de la connaissance.
On parle toujours de plus beau lagon du monde mais nous n’avons pas suffisamment de données et de structures scientifiques pour étayer cela, le valoriser. Ne serait-ce que concernant la qualité des eaux du lagon. On a besoin de connaître notre biodiversité, de mesurer son évolution alors que les pressions sont multiples. Et encore une fois, pour qu’un acteur s’engage, il lui faut savoir dans quel environnement.
Nous avons quelques outils à l’instar du Parc marin, du CUFR, mais la réalité est que nous sommes extrêmement sous-dotés, de très loin les plus pauvres en termes de personnel scientifique de suivi. On espère donc avoir sensibilisé l’Ifremer à ce sujet. À tous autour d’un travail d’un collectif de poursuivre sur cette voie. Je pense notamment aux parlementaires. Tous ceux qui peuvent participer d’une manière ou d’une autre à amener à Mayotte de la connaissance et valoriser notre richesse doivent le faire.
Je crois que nous avons des oreilles attentives, et des arguments à faire valoir avec le développement du CUFR, la mise en place de la Technopole de Dembéni, transformons l’essai en développant des véritables politiques d’accompagnement capables de convaincre du potentiel de Mayotte. Oui, Mayotte peut être un territoire d’excellence.
Le J.D.M : D’autres rendez-vous marquants ?
A. D. : On a retrouvé d’anciens acteurs de l’aquaculture à Mayotte… Qui seraient capables
de revenir ici. Ils sont prêts et encore une fois à nous de les convaincre jusqu’au bout en les sécurisant car nous avons besoin de pionniers, de leaders. Nos partenaires ont aussi rencontré des acteurs du tourisme.
De toute façon nous allons dorénavant multiplier ce genre d’évènements pour rencontrer un maximum d’acteurs.
Le J.D.M : En parlant d’une seule et même voix donc…
A. D. : Oui, c’est l’engagement que nous avons pris à l’issue de ces assises. Car s’il y a bien un secteur qui mérite l’attention de tous les acteurs c’est bien la mer. Et pour espérer développer un territoire d’excellence, il nous faut des gens convaincus, tant sur le plan politique que technique.
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