La représentation qu’ont les habitants de la mer n’est pas que du domaine du fantastique, les métiers qui y sont exercés sont synonymes de pauvreté.
« Ici, les gens pensent qu’il y a des djinns dans le lagon », un frein au développement des activités qui sont liés, explique Saïd Boina qui veut « réconcilier les générations avec la mer ». Pour y arriver, il manage des groupes de jeunes qu’il initie au kayak, « la moitié ne savent pas nager ». Il faut donc commencer par ça, et les piscines qui sont annoncées, dont la 1ère à Kawéni, vont y contribuer.
Devenu moniteur de plongée, Fayadine explique la peur de la mer, « les grands-pères racontent des histoires horribles sur la mer qui n’existe pas. Or, la mer, c’est le plus beau boulot au monde. Et elle procure beaucoup d’ouverture ».
Il cite un exemple, « à Mayotte, aucune plage n’est surveillée, il faut former ces jeunes à être maître-nageur sauveteur. » Un autre, les inciter à plonger, « nous sommes sur un des plus beaux spots de plongée de la planète, et l’immense majorité des mahorais ne l’a jamais vu », se désole-t-il.
« Très content du choix professionnel que j’ai fait »
Autre paysage maritime, celui de la pêche, à laquelle se destine Yacine, élève de l’Ecole d’Apprentissage Maritime (EAM) en Petite Terre. Et il en veut. Levé tous les matins à 3h, il finit sa nuit dans le bus, « pour ne pas dormir à l’école ». Là-bas, aux côtés de ses copains Yanis et Kamardine, il se penche sur les filets à ramender et sur les cartes du SHOM à décrypter : « Je suis très content du choix professionnel que j’ai fait, il y a des choses que j’apprends ici, que je ne voyais pas là-bas », explique toujours Yacine, en évoquant les filières scolaires générales.
Leur stage, c’est à bord du pêcheur Assoumani qu’ils le font. Ce dernier, ancien pêcheur au filet, l’a délaissé, « je pêche à la traine, ainsi, on ne détruit pas le lagon ». Il était temps puisque selon ses dires, il est bien loin de pêcher les 200kg de sa jeunesse, la ressource s’étant appauvrie. Leur avenir, ils le voient ensuite en métropole, pour passer les diplômes de Capitaine 500, comme le commandant de la barge qui leur aura tendu les manettes un instant pour accoster.
Tout comme Kamardine, l’attachant petit pêcheur de Moya, qui, à la hauteur de ses 18 ans, est déjà « le pilier de la famille ». Habitant un quartier de Petite Terre où sévit « le grand banditisme », il explique préférer « partir pécher », et amène son frère surtout pour le protéger. A flan de rocher à Moya, il rapporte de quoi garnir le barbecue du soir pour ses parents et ses frères et sœurs.
La famille ou le diplôme, Kamardine doit choisir
Bon élève, il a préféré tenter un CAP maritime et devenir pêcheur. Le témoignage de sa maman est éloquent de la vision biaisée que les adultes ont de ces professions : « Je ne suis pas contente qu’il ait quitté les études (la filière générale), j’espère qu’il va voir que ce n’est pas bien ». Pourtant, Kamardine a de l’ambition : « Sans école, pas de diplôme, sans diplôme, pas de bateau. Une fois que je l’aurai, je ferai ce que je veux. » Mais pour cela, lui aussi a le regard tourné vers la métropole. « S’il part en France, on sera foutu », déclare encore sa maman. Il fait tout ici, il ramène du poisson, il gère les petits. » Le jeune semble se ranger à cette raison, « ma famille va beaucoup perdre si je pars, c’est pour ça que je suis toujours à Mayotte. »
Dernière thématique abordée par le documentaire, le laisser aller de l’île, les déchets bien sûr, mais surtout l’insécurité. Du chauffeur de bus qui ne s’arrête plus à certains arrêts, « on a trop peur de se faire caillasser », à Yacine et Yanis qui ont peur de quitter leur domicile à 3h du matin de peur de se faire racketter, et ne sortent plus après 18h, en passant par Fayadine qui shoote dans les bouteilles en plastique qui jonche la rivière, « ils veulent faire du tourisme, mais ils ne nettoient pas ! »
L’image des métiers de la mer est donc à revaloriser pour espérer utiliser cette manne. On le voit encore avec Luanida, la jeune fille qui pêche des poulpes, « il y en a qui ont honte de faire des trucs comme ça, pas moi. Les jeunes d’ici galèrent dans les études alors que je pense qu’avec la mer, on peut s’en sortir », dit-elle en savourant un puedza (poulpe) grillé. Une richesse qui permettra de pourvoir de nombreux métiers. Luanida ambitionne d’ailleurs de lancer son restaurant de fruits de mer plus tard.
Un documentaire produit par Antipode et France télévision à voir et à revoir.
A.P-L.
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