Lorsque Fahoulia Mohamadi entend parler cette année de l’appel à projets portant sur les évolutions numériques dans l’enseignement, la Déléguée à la recherche et à l’innovation du rectorat booste les équipes du Centre universitaire pour y répondre : « Il s’agissait d’une demande du ministère de la Recherche et de l’Innovation de cartographier la France et de tenir compte de ses pluralités. Le Centre universitaire a alors mis en place des groupes de travail sur le projet en intégrant les entreprises de l’Information et des communications locales, ainsi que le lycée de Sada. Le fait d’apprendre d’un courrier du premier ministre que Mayotte est retenue, et donc reconnue au niveau national, ça nous donne raison de viser l’excellence. »
Recteur et chancelier des universités, Gilles Halbout mettait en lumière qu’à travers ces succès, « c’est en bien que l’on parle de Mayotte ». Et donnant la note 4/4, il soulignait que le succès était au rendez-vous du travail fourni, « nous avons été retenu pour les 4 projets présentés depuis un an et demi : le Campus connecté, le Pôle d’Innovation intégré de Mayotte porté par l’ADIM, la plateforme scientifique sur laquelle nous n’avons pas encore communiqué, et ce projet de Démonstrateurs numériques dans l’enseignement supérieur. »
Le téléphone au centre de la pédagogie
« Démonstrateur numérique »… le terme avait besoin d’éclaircissements. Que livre Aurélien Siri, directeur du CUFR : « Nous sommes partis du constat qu’à Mayotte, beaucoup d’étudiants n’ont pas de tablettes, mais utilisent leur téléphone portable pour prendre des notes ou se connecter aux plateformes pédagogiques. C’est leur outil principal. Il faut donc l’utiliser pour une pédagogie innovante, en tenant compte de deux usages : la mobilité, sur la barge, dans les voitures, etc., et l’hybridation, qui permet de dispenser le même enseignement en présentiel et en distanciel. ». Et ce n’est pas forcément synonyme de confinement, « à Mayotte, beaucoup d’étudiants nous demandent des solutions pour suivre des cours à distance parce qu’ils sont bloqués par des barrage ou par des droits de retrait des transporteurs scolaires ».
C’est ainsi qu’est né X-MEM, pour Extensible Mobile Education Mayotte, qui a été couronné parmi 17 projets nationaux, et porté à Mayotte par le directeur adjoint du CUFR, deux maitres de conférences et le responsable des services informatiques du CUFR. Ce dernier, Frédéric Théodore, en livre les détails : « Il va falloir créer des supports pédagogiques adaptés aux téléphone mobiles, créer des applications, des sites, les enseignants vont donc avoir besoin d’accompagnement. En période de confinement, la moitié des connexions aux visio-conférences se faisait sur des mobiles, il faut adapter la technique. » Un projet de longue haleine, « on ne verra pas la réalisation d’ici deux à trois semestres », dont une partie sera financée par le CUFR, l’autre par l’appel à manifestation d’intérêt du gouvernement, doté de 2 millions d’euros.
Elargir la bande passante
Pour y arriver, un vaste partenariat a été créé, avec le rectorat, et les société des TIC locales, dont le GEMTIC, mais aussi CARIF-OREF, Mayana consulting, French tech que Mayotte a récemment décroché, etc. Un ingénieur chargé des usages numérique est en cours de recrutement.
Et lorsque la technique sera maitrisée, Mayotte deviendra « démonstrateur » pour d’autres territoires en manque d’innovations, c’est le but de cet appel à projets.
Un détail qu’il ne faut pas oublier, le débit internet au CUFR, qui, s’il a considérablement progressé, a encore une grande marge d’amélioration. S’il n’est plus dans une zone quasiment blanche, « nous avons été raccordé à la fibre optique par le conseil départemental dans le cadre de ses missions, se félicite Aurélien Siri, nous avons toujours une bande passante insuffisante et un faible débit. Le GIP Renater doit évoluer sur ce point ». Une solution transitoire aurait été trouvée en attendant mieux. Pour Frédéric Théodore, des pistes sont à l’étude pour accroitre le débit, « il faut aussi comme toutes les facs de France, offrir le wifi à nos étudiants. »
Une nouvelle victoire de Mayotte donc, dans un champ où elle commence a être écoutée, rendue possible par la mise en place d’un rectorat de plein exercice, « mais aussi une Délégation régionale académique à la recherche et à l’innovation autonome, et non partagée avec La Réunion, ceci expliquant sans doute cela », glissait en souriant Gilles Halbout, qui concluait à deux voix avec Fahoulia Mohamadi, « quand on joue »… « on gagne », ponctuait la chercheuse.
Anne Perzo-Lafond
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