Cette année, la prise en compte des violences sexuelles auprès des enfants a franchi un cap. Sur le plan national, et à la suite de la publication du livre de la fille de Bernard Kouchner La Familia Grande retraçant l’inceste dont a été victime son frère jumeau, une avalanche de témoignages analogues s’est répandue sur les réseaux sociaux. Incitant le secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance, Adrien Taquet, à créer la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) en janvier 2021 pour donner la parole aux adultes qui en auraient été victimes.
Localement plusieurs initiatives ont été menées. C’est l’engagement de près de 30 associations, institutions et acteurs privés dans un combat pour la libération de la parole, pour une prévention massive, et pour une meilleure prise en charge des victimes, débuté le 8 septembre 2021, qui débouchera le 20 novembre 2021, sur un colloque thématique interinstitutionnel et inter-associatif. C’est une charte signée le 9 septembre 2021 autour du collectif Haki Za Wanatsa, pour « briser l’omerta », ou c’est encore la Semaine de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants fin août 2021, qui était portée dans le Centre-ouest par l’association Souboutou Ouhédzé Jilaho – Ose libérer ta parole. Et d’autres initiatives ont vu le jour ça et là.
Sur l’ensemble de la France, le sombre nombre de 160.000 enfants victimes de violences sexuelles, est signalé par la Ciivise. Ce qui rapporté aux prés de 15 millions de moins de 18 ans, donne entre 1 à 2% de mineurs ainsi violentés sexuellement.
Deux numéros et un site
A Mayotte, si le recteur Gilles Halbout rapporte au moins quinze signalements par semaine depuis les établissements, on manque de données, c’est pourquoi un questionnaire en ligne #wamitoo a été mis en place pour la 1ère fois afin de centraliser les témoignages.
Un autre outil est installé sur le plan national, deux lignes téléphoniques d’écoute, dont l’une est spécifique aux outre-mer. Il s’agit de « permettre aux victimes de violences sexuelles devenues adultes de témoigner », indique la Ciivise qui invite les médias ultramarins à les communiquer. L’une est en métropole, portée par l’association CFCV et basée à Paris, et l’une pour l’Outre-mer, centralisée en Martinique, siège de l’association SOS Kriz, en charge de la plateforme. « A partir de ces témoignages, la commission doit identifier et préconiser des solutions pour améliorer la protection des enfants contre ces violences », explique la Ciivise.
Les deux lignes sont ouvertes 7 jours sur 7 entre 10 heures et 19 heures, du lundi au vendredi : il s’agit du 0805 802 804 pour la France métropolitaine et du 0800 100 811 pour l’Outre-mer… En tenant compte des fuseaux horaires avec la Martinique, puisqu’à Mayotte, la plage horaire de l’écoute téléphonique est de 17h à 2h du matin. Sans aller jusqu’à un 24h/24, une plus grande disponibilité horaire pour les Outre-mer serait facilitatrice. Selon la Ciivise, à peine lancée, la plateforme a été prise d’assaut. Il est aussi possible de témoigner par écrit sur le site dédié.
Pour imprimer la libération de la parole, des personnalités ont décidé pour la Ciivise de dévoiler leur calvaire lorsqu’ils étaient jeunes. Le rugbyman Sébastien Boueilh avait 12 ans lorsqu’il a été abusé sexuellement par le mari de sa cousine. La chanteuse Mai Lan en avait 7 et l’animatrice Flavie Flament 13. Eux comme d’autres veulent encourager les victimes à témoigner.
Pour ses présidents Edouard Durand, ancien juge des enfants et membre du Conseil national de la protection de l’enfance, et Nathalie Mathieu, Directrice générale de l’association docteurs Bru, qui accueille des jeunes filles victimes d’inceste, il s’agit de créer un « espace où la parole des personnes qui ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance est écoutée », pour que « le silence recherché par les agresseurs ne prévale plus ».
A.P-L.
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CE QUE DIT LA LOI
La loi du 21 avril 2021 crée de nouvelles infractions sexuelles. Aucun adulte ne peut se prévaloir du consentement sexuel d’un enfant s’il a moins de 15 ans, ou moins de 18 ans en cas d’inceste.
Sur amendement du gouvernement, quatre nouvelles infractions sont créées dans le code pénal pour punir les actes sexuels sur les enfants :
* le crime de viol sur mineur de moins de 15 ans, puni de 20 ans de réclusion criminelle ;
* le crime de viol incestueux sur mineur (de moins de 18 ans), puni de 20 ans de réclusion criminelle ;
* le délit d’agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans, puni de 10 ans de prison et de 150 000 euros d’amende ;
* le délit d’agression sexuelle incestueuse sur mineur (de moins de 18 ans), puni de 10 ans de prison et de 150 000 euros d’amende.
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