C’est en grandes pompes qu’a été inaugurée ce mardi 2 novembre au matin la première laverie solidaire de Dembeni. Rachadi Saindou, le président de la Cadema, était présent pour présenter le fruit du labeur de ses équipes, aux côtés de Saïdi Moudjibou, le maire de Dembeni, de Lisa Mahamoudou, la vice-présidente en charge de l’eau et de l’assainissement, mais également de Sitirati Mroudjaé, la vice-présidente du CCAS. En effet, le Centre Communal d’Action Sociale sera chargé dès l’ouverture de la laverie à la population, c’est-à-dire demain, de guider les habitants dans son fonctionnement de manière à ce qu’ils puissent profiter au maximum de l’installation sans risquer de l’abîmer. La démarche s’inscrit en effet dans une perspective durable.
Cette durabilité est d’autant plus importante que cette première laverie solidaire a eu un coût total de 175 000 euros. Financé à hauteur de 60% par l’Etat, de 20% par l’ARS et de 20% en fonds propres de la Cadema, son but premier est de sauvegarder les rivières de Mayotte, bien mises à mal par l’utilisation de lessive et d’eau de javel par les bouenis lorsqu’elles y lavent leur linge. Le « lavage à la rivière » est certes une pratique traditionnelle sur l’île au lagon, mais l’introduction relativement récente des produit toxiques modernes en ont fait une véritable catastrophe pour l’environnement. C’est la raison pour laquelle la Cadema a décidé d’agir dans le cadre de sa prise de compétence de Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations datant du 1er janvier 2018. « La préservation de notre ressource en eau est un enjeu primordial pour l’avenir de notre île et l’ouverture de cette première laverie solidaire en est l’un des outils », a expliqué Rachadi Saindou, le président de la Cadema.
Si les officiels présents à l’inauguration ont bien évidemment évoqué la problématique environnementale, prioritaire ici, ils n’ont toutefois pas manqué de rappeler que cette dernière avait pour origine une problématique économique. C’est en effet parce que les foyers manquent d’argent pour acheter des machines à laver que les bouenis sont contraintes de continuer le lavage traditionnel à la rivière. Une pratique qui, en soi, ne poserait pas particulièrement de problèmes n’était la toxicité des produits utilisés. Derrière cela, nous devinons également une volonté politique de la Cadema de « moderniser » les foyers mahorais de manière à adapter progressivement la société mahoraise au monde moderne. Une démarche soutenue par l’Etat, mais également par l’ARS puisque les produits toxiques utilisés pour laver le linge dans les rivières risquent de détériorer, à terme, la santé de la population. Les enfants de Mayotte ont en effet pour habitude de se baigner dans les cours d’eau et en ingèrent fatalement une partie via la bouche ou tout simplement la peau.
Un fonctionnement souple et adaptable
La particularité de cette première laverie solidaire* est qu’elle se veut adaptée aux besoins de la population. Pour cela, elle est adaptable. En effet, l’agent d’accueil engagé par le CCAS pour expliquer le fonctionnement de la laverie à la population sera également chargé de discuter avec eux pour déterminer ses besoins. Pour le moment, la laverie comporte deux machines de 8 et 14kg dont l’utilisation à plein, séchage compris, coûte respectivement 1euro et 1euro 50. L’argent doit être introduit dans un monnayeur qui actionne ensuite les machines. D’autres machines pourront être ajoutées à cette base en fonction des retours des bouenis.
La laverie solidaire de Dembeni sera ouverte dès ce mercredi 3 novembre. Ce n’est que la première d’une série de 10 prévues par la Cadema, notamment dans les villages Hajangua, de Mtsapéré, de Cavani et de Kaweni. « Jusqu’en 2023, le maillage de notre territoire se mettra en place, puisque 9 autres laveries solidaires verront le jour, dont 4 en 2022 » a expliqué Rachadi Saindou avant de conclure très poétiquement son discours par la légende amérindienne du colibri : « Un jour, il y eut un grand incendie dans la forêt. Tous les animaux étaient tétanisés de peur. Sauf le colibri, qui s’agitait dans tous les sens pour ramener goutte par goutte de l’eau sur le feu afin de tenter de l’éteindre. « Tu sais que ce que tu fais n’éteindra pas le feu », lui a affirmé le toucan. « Je sais, mais au moins je fais ma part du travail », lui a rétorqué le colibri ». « A nous de faire la nôtre » a alors lancé le président au public, qui comprenait notamment quelques habitantes concernés, même si elles se tenaient à l’écart, impressionnées par cette cérémonie officielle. Espérons que cette démarche extrêmement positive sera un succès sur l’île aux parfums qui a bien besoin d’une véritable volonté politique en termes de respect de l’environnement (entre autres choses…).
Nora Godeau
* Ouverte du mardi au samedi de 7h à 12h
Comments are closed.