Depuis votre première visite en 2015, avez-vous noté des améliorations ou des dégradations à Mayotte ? Et expliquez-nous en quoi la FEDOM peut être utile ici ?
Hervé Mariton : J’étais venu 3 jours à l’époque, et là, je ne reste pas plus longtemps. C’est court pour noter des évolutions, mais par contre, mes nombreux rendez-vous m’ont donné des pistes sur lesquelles je vais pouvoir agir. La FEDOM c’est une organisation patronale représentant les entreprises ultramarines françaises. Nous ne faisons pas à la place de nos interlocuteurs qu’ils soient le Medef, la CCI, la FMBTP, etc., mais nous avons la capacité de défendre les entreprises dans les outre-mer. Par exemple, nous pouvons plaider auprès du gouvernement l’application de normes différentes pour le BTP sur ces territoires ultramarins de celles en place en métropole.
Quelle expertise avez-vous apportée à vos interlocuteurs ?
Hervé Mariton : Cela dépend des secteurs. Le milieu du Bâtiment et des travaux publics (BTP) par exemple, a besoin d’indicateurs qui n’existent pas à Mayotte, notamment l’indice du coût des matériaux. D’autre part, les entreprises ont besoin de conseils, il n’y a pas suffisamment d’experts comptables. Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi*, le CICE, a été maintenu à Mayotte, mais 60% des entreprises ne l’ont pas réclamé. Et le problème du remboursement tardif par l’Etat n’est pas la seule explication puisqu’il est possible de rembourser par anticipation. Autre difficulté, les banques sont présentes sur le territoire, mais les décisions notamment d’octroi de crédit, ne sont pas prises ici, les délais d’obtention sont très longs. Et la Banque Publique d’Investissement, qui peut financer les entreprises à chaque étape de leur développement en crédit, en garantie et en fonds propres, n’est pas présente à Mayotte. Or, ces banques sont membres de la FEDOM, nous allons donc partager ces points avec elles.
“La vague d’insécurité submergera-t-elle celle du dynamisme économique ?”
Le développement économique est freiné ici par l’insécurité qui contraint les horaires des entreprises notamment…
Hervé Mariton : Les problèmes sécuritaire et d’immigration sont en effet essentiels. Mais, parce qu’on focalise uniquement sur ces sujets, les questions de l’entrepreneuriat restent à l’ombre de ces problématiques. Or, il y a d’autres raisons à la difficulté de fidéliser les cadres. Les problèmes de rémunération et de formation sont essentiels, autant que celle de la convergence des droits. Et 2031 va arriver rapidement. Pour attirer les cadres, notamment mahorais, qui viennent de terminer leurs études, le contexte scolaire est aussi important. Il faut travailler sur tous ces domaines. Et en matière d’image, en métropole, on ne parle pas assez du dynamisme de l’économie mahoraise. Alors qu’il connaît une croissance parallèle si ce n’est plus forte, que celle de la montée de l’insécurité. Ici, les gens ont la niaque et de la volonté, malgré la vague d’insécurité et de migrations. Celle-ci va-t-elle submerger cette énergie ou triomphera-t-elle ?… En tout cas, il faut doter l’économie d’outils de développement que je viens de citer, et qui manquent ici. Je suis en lien avec des parlementaires pas seulement mahorais, parfaitement au fait des problèmes sécuritaires, mais moins des manques sur le plan économique.
Lorsque vous étiez ministre, vous aviez mis en place l’Observatoire des prix et des revenus en Outre-mer ? Il fut actif lors des grèves contre la vie chère à Mayotte, ce n’est plus le cas…
Hervé Mariton : Nous les avons mis en place en 2007 effectivement sur l’ensemble des outre-mer. Il ont mis du temps à se roder, mais ça tourne à peu prés bien sur les autres territoires, sauf à Mayotte en effet. J’ai sollicité le préfet sur ce sujet.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
* Le CICE est un avantage fiscal dont peuvent bénéficier les entreprises qui emploient des salariés. Il est calculé sur les rémunérations brutes versées aux salariés. Il a été supprimé en France excepté à Mayotte
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