La population assiste à un dialogue de sourd. D’un côté, les faits de délinquance se poursuivent un peu partout dans l’île, et les élus s’en font le relais, d’un autre, le ministre de l’Intérieur répète qu’il a beaucoup fait. Au lieu de partir du constat, d’en dégager les besoins et de mettre en face les moyens, on persiste à faire l’inverse.
Partant de ce constat, le président de l’AMM, Madi Madi Souf, rédige un courrier à l’intention du président Emmanuel Macron et demande à être reçu avec ses pairs lors du congrès des maires qui se tient actuellement à Paris.
« Nous reconnaissons l’effort sans précédent de l’Etat dans ce domaine, notamment les différents renforts de Policiers et de Gendarmes. Cependant, force est de constater que les moyens mis en œuvre ne sont pas à la hauteur des besoins. Notre quotidien est invivable. Notre île n’attire plus personne. Notre image à l’extérieur est exécrable. Mayotte, cette belle île, bien placée géographiquement sur ce canal du Mozambique tant convoité, une île riche de culture et de patrimoine immatériel, ne fait plus rêver. »
Le maire se base sur les conclusions de l’enquête de victimation de l’INSEE, « Mayotte, une délinquance hors normes », qui prend en compte les faits de violences qu’il y ait eu ou pas dépôt de plainte. Mayotte est sans comparaison le territoire de France le plus touché par la délinquance. Nous étions loin derrière il y a encore 10 ans.
Il alerte sur les agresseurs qui s’en prennent désormais aux élus locaux. Evoquant l’incendie de la mairie de Koungou et des locaux de la Police municipale de Koungou, ainsi que les véhicules des élus de Ouangani, du maire et de sa femme, ont été également brûlés, il met en garde, « Les symboles de la République, de notre République, de notre Nation, de notre vivre ensemble sont attaqués ».
11.000 naissances par an, un scoop ?
L’élu livre une juste analyse en rappelant les défis : une forte pression migratoire, « malgré les moyens mis en œuvre, malgré les reconduites aux frontières, cette pression migratoire a connu une forte progression de 30 % ces dernières années », avec des arrivées non plus seulement d’Anjouan, mais aussi de Madagascar et de l’Afrique de l’Est, « souvent en situation de précarité aggravée, habitants dans des zones insalubres, des zones sans services publics, des zones de non droit, sans eau, ni électricité. Mayotte, porte d’entrée en France et en Europe, devient un réceptacle de toute la misère de la région », une forte pression démographique, se livrant soit à un scoop, soit à une exagération, « 11.000 naissances par an », là où elles frôlaient chaque année les 10.000, « dont 75 % de mères d’origine comorienne. A ce rythme nous ne tiendrons pas longtemps, notamment pour la construction d’équipements publics scolaires. Le rythme des constructions scolaires dans le secondaire reste très soutenu. Il est encore très faible au niveau du premier degré. »
Trois autres pressions sont détaillées, « des jeunes mineurs, « cette population reste notre seule richesse. Pourtant, elle nous fait peur, devant des parents dépassés ou même absents », de la pauvreté, « le seuil de 77% est bien en deçà de la réalité. Nous sommes pauvres selon les standards européens avec moins de 900 euros par mois, mais riches avec une monnaie, l’euro, qui a de la valeur dans la région, et la pression du chômage de masse, entre 30 et 40%, « une chance que notre île ne soit pas en ébullition, parce que les solidarités familiales jouent encore un peu un rôle. Pour combien de tems encore. Les inégalités se creusent et faire société semble de plus en plus en danger. Une société tiermondisée s’installe peu à peu, chacun développant sa propre stratégie de survie. »
Les maires de Mayotte demandent une entrevue au chef de l’Etat en proposant d’échanger autour de mesures dont certaines sont en cours et annoncées par Gérald Darmanin à Mayotte, d’autres non. On note le renforcement des policiers municipaux, la généralisation de la vidéo protection, contenir les départs des migrants depuis leurs îles respectives, le retour des mineurs auprès de leur parent aux Comores, la question des demandeurs d’asile venant des grands lacs, la sécurisation des établissement scolaires et des transports scolaires, la protection des élus locaux, a surveillance de nos frontières, un programme de lutte contre la pauvreté, et surtout, un bilan des actions mises en œuvre.
A.P-L.
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