Trois lettres qui concentrent à la fois la jeunesse et la justice : la Protection Judiciaire de la Jeunesse, c’est cette institution qui prend en charge les mineurs délinquants pour les « remettre sur le droit chemin », comme on le disait du temps où cette direction du ministère de la Justice s’appelait, « direction de l’éducation surveillée », créée en septembre 1945. Cette année là, le législateur insère une bonne dose d’éducatif dans un système polarisé sur la sanction, avec le vote de l’ordonnance de 1945, en février, sur la justice pénale des mineurs. « Le principe d’éducabilité demeure », souligne Hugues Makengo, Directeur territorial de la PJJ. « La 1ère lettre porte sur la protection, car une fois que le mineur est protégé, il ne doit plus être un danger pour la société. Nous individualisons la prise en charge ».
Pour mieux connaître le travail mené en son sein par les éducateurs, une BD, « Les enfants du lagon-Protection et justice », qui met en présence trois jeunes, vient d’être publiée aux éditions du Signe. Deux potes Issam et Mousslim, sous emprise d’un plus grand Nadjim, vont s’éloigner de l’école, commencer les petits chapardages, puis goutent à l’ « akwaba » (la chimique), et c’est engrenage qui les mènera en prison avec une prise en charge par la PJJ, dont les services sont ainsi mis en lumière par la BD. “Avec cet ouvrage, nous voulons aussi communiquer auprès des jeunes étudiants pour qu’ils aient connaissance de nos métiers”
La réalité augmentée de Hassane, Nassurdine et Djamal
Pour réaliser la BD, Martial Debriffe, directeur des éditions du Signe, se mue en scénariste et se mêle aux bandes de jeunes dans les quartiers. « J’ai découvert au sein de la PJJ des gens passionnés qui ont envie de faire changer les choses, les regards et les mentalités ». Dans 6 mois, la BD sera en librairie en métropole. Elle intègre la « réalité augmentée » qui permet d’avoir des suppléments d’info sur les pages marquées d’un « Signe ».
Ils ressemblent aux gamins de la BD : dans la salle, trois jeunes pris en charge par la PJJ. « Ils ont participé aux dessins et à la rédaction ». Hassane, Nassurdine et Djamal sont sagement assis. Ils ont 17 ans tous les trois et se sont investis dans le projet : « On a carrément appris à dessiner là, c’est devenu une passion, je dessine quand je suis chez moi maintenant », nous explique Nassurdine. Par contre, ils ne savent pas ce qu’ils vont faire de leur peau après, « je n’ai pas d’idée », lâche Hassane. Seul Djamal suit une formation mécanique à l’école d’apprentissage maritime (EAM)
Son directeur, Eric Bellais, est une des structures majeures qui donne sa chance aux jeunes pris en charge par la PJJ : « Nous avons pris en charge cinquante jeunes au cours de l’année et 5 sessions. Ça se passe très bien, en dehors de quelques petites entorses à la ponctualité, mais c’est encadré par la PJJ. Deux jeunes veulent suivre une formation en mécanique, c’est notre rôle de leur montrer des voies d’avenir. »
Des violences sans antécédents apparents
En fonction des actes commis, le jeune partira en détention ou en centre éducatif fermé à La Réunion, en attendant que Mayotte ait le sien, « les primo délinquants ou ceux qui sont peu ancrés dans la délinquance, sont placés. A partir du moment où un jeune est suivi par la PJJ, nous mettons en place des actions pour le réinsérer dans une vie sociale », nous explique Hugues Makengo. Une formule qui marche tant que le jeune est accompagné, « mais quand on le perd de vue, deux ou trois mois après, il peut réitérer. »
La délinquance prend un virage inquiétant selon lui, « cette année, nous avons plusieurs jeunes inconnus des services de police qui arrivent pour avoir commis des faits très graves. Certains étaient pourtant scolarisés. » Il fait ainsi référence aux trois homicides commis en janvier dernier à La Vigie en Petite Terre.
Une évolution qui interroge, et pour laquelle le directeur de la PJJ émet une hypothèse : « Elle est peut-être liée à la partie de la ‘délinquance grise’ qui n’a pas donné lieu à des dépôts de plainte », incitant sans doute les auteurs à poursuivre leurs méfaits en constatant qu’ils ne sont pas inquiétés. « Nous devons avoir une réflexion collective sur ce sujet. C’est pourquoi j’invite les habitants à venir assister aux Etats généraux de la Justice qui vont donner lieu à un temps d’échange sur la Justice de protection le 23 novembre au-dessus de la BRED, à côté du tribunal judiciaire. »
Anne Perzo-Lafond
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