“Pensez à garder votre livret chaque fois que vous irez en formation !” Dans la salle, tous sourires, quelques dizaines d’adultes relais feuillettent le fascicule qui leur a été remis et leur livret individuel “de parcours professionnalisant”. L’objet de la rencontre, sise au collège de Kwalé : leur formation professionnelle. En d’autres termes, leur avenir. Un propos d’autant plus important que certains arrivent au terme de leur participation à ce dispositif, et doivent donc dès à présent penser à valoriser les compétences acquises.
Or, on n’est pas adulte relais pour la vie. Ces emplois subventionnés sont des postes de médiateurs, adossés à une collectivité locale ou une association, mais qui sont chacun spécialisés dans une thématique. Si certains sont dans la rue à faire de la prévention de la délinquance auprès des jeunes et des familles, d’autres sont actifs sur des actions culturelles. Parfois les deux se télescopent, ce qui n’en rend le travail que plus intéressant, comme pour Chahadani Mohamed.
“Je suis adulte relais à La Vigie à Labattoir. Je travaille avec l’association KazyaDanse et l’interco (de Petite Terre NDLR) en partenariat avec la préfecture. J’ai été enseignant aux Comores, agent de sensibilisation contre la déforestation, et contre la descolarisation, la médiation c’est une vocation ce n’est pas nouveau pour moi. Ce plan de professionnalisation va nous apporter de nouvelles façons de travailler, de nouveaux outils. Faire de la médiation, dans la situation qu’on connaît à Mayotte, c’est difficile, il faut aller voir les enfants, les parents, les gens agités, l’adulte relais joue un rôle important pour identifier les problèmes qu’ils rencontrent, comment ça se passe dans les quartiers, et on remonte les informations aux associations et à la mairie. Comme on est sur le terrain on est en relation directe avec la population et avec les communes.”
Pour Elyassir Manroufou, président du GIP Maore Ouvoimoja qui organisait la rencontre, plaide pour un renforcement du recours aux adultes relais, mais veut aussi assurer leur avenir à chacun.
“Les contrats de ville vont arriver à terme d’ici une année et nous avons la lourde charge d’en dresser le bilan. Nous sommes le territoire le plus pauvre de la République, les dotations sont un peu moindre que les autres territoires. Notre département a 70% de sa population sur des quartiers de politique de la Ville. D’autres territoires ultramarins en ont moins, et ont des dotations en adultes relais bien plus importants. Nous n’avons sur tout le département que 85 adultes relais, on devrait en avoir un peu plus. La Réunion en a 235 adultes relais” illustre-t-il. “Mais ce qui me préoccupe aujourd’hui, c’est ceux qui arrivent au terme de leur contrat. Il faudrait sortir de l’idée qu’un adulte relais, c’est juste un poste occupationnel. J’aimerais que les adultes relais s’inscrivent dans une démarche d’emploi durable. Ils sont la première pierre à l’édifice de la politique de la ville, remontent les besoins du territoire aux décideurs, sans eux ça ne fonctionnerait pas. Cela demande un certain niveau de technicité”. D’où les diverses formations qui leur sont proposées tout au long de leur contrat, et qui peuvent être valorisées par la suite.
“Ceux qui sont là, quand ils auront épuisé leurs droits en tant qu’adultes relais, comment ce qu’ils ont appris sur le terrain leur servira en termes d’emploi durable ?” S’interroge encore Elyassir Manroufou. “Il faut faire en sorte que ce plan de professionnalisation permette de sortir de l’idée que l’adulte relais est un poste provisoire. Je préfère y voir un tremplin. Ce plan est une première dans notre département, il faut valoriser ce qui est fait sur le terrain au quotidien et les compétences collectives” poursuit-il.
Chargés de “renforcer le lien social et favoriser le règlement de conflits de la vie quotidienne”, les adultes relais sont la pierre angulaire de la politique de la ville, ce dispositif dédié aux quartiers les plus en difficulté. Ils doivent avoir au moins 26 ans, être sans emploi ou en contrat aidé et résider dans un de ces quartiers. A Mayotte, leur nombre a plus que doublé. Les associations de Petite Terre et Mamoudzou en sont les principaux employeurs privés. Mais ce sont les cinq intercommunalités, Cadema et 3CO en tête, qui se partagent la plupart des adultes relais. Plus de la moitié (56%) sont des femmes, ils ont en moyenne 38 ans. Le plan de formation qui leur est proposé vise à faire le point sur les compétences acquises par chacun dans ses fonctions, renforcer sa posture professionnelle et ainsi se projeter dans la “mobilité professionnelle”, afin de bénéficier d’un retour à l’emploi durable, d’une validation d’expérience, ou d’une formation correspondant à leur projet professionnel. Leur livret vise à compiler les formations et compétences acquises, pour mieux les valoriser quand sonne l’heure de changer d’emploi.
Y.D.
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