C’est la première fois que vous venez à Mayotte. Pourquoi maintenant ?
Laurent Berger : J’avais une fenêtre Covid, j’en ai donc profité. Mayotte est un territoire atypique et ici, l’équipe de la CFDT fait du bon boulot. Nous comptons 500 adhérents sur le territoire, et nous sommes majoritaire au CHM et à l’ARS. Mais surtout, dans le cadre de la loi Mayotte, nos membres ont élaboré un document qui porte les revendications de la CFDT pour l’île, que nous avions remis au préfet et au ministre des Outre-mer. Je vais appuyer ces propositions auprès du ministre.
Quels canaux utilisez vous pour faire remonter les doléances, et quelles sont-elles ?
Laurent Berger : Je vois deux tendances : d’un côté, il y a beaucoup d’inégalités et d’injustice, d’un autre, je remarque une vraie volonté de s’engager. Mon relais, c’est le ministère et je suis parti du constat qu’il faut accélérer le processus de convergence des droits avec une feuille de route claire.
Justement le relèvement du plafond de sécurité sociale pour les retraites doit passer par une commission paritaire, réunissant donc patrons et salariés, a indiqué Sébastien Lecornu. Vous pensez que cela va marcher alors que les échéances ne sont pas partagées ?
Laurent Berger : Les échéances, mais aussi les conditions de financement, qui ne font pas l’unanimité entre les syndicats de patrons et de salariés. Mais il faut pourtant en finir avec des retraites moyennes de 250 euros. Et le SMIC de 35h sous le niveau national. Et le RSA à moitié, la prime de Noël à moitié… c’est inacceptable. Nous avons rencontré la présidente du Medef qui est d’accord sur le principe. Il faut arrêter le rafistolage permanent, et proposer un plan clair, aux échéances claires, et connues des citoyens. Et pour le code de la Sécurité sociale, il peut s’appliquer dès maintenant.
Vous arrivez de l’hôpital, là aussi les besoins sont criants. En matériel et en hommes.
Laurent Berger, agacé : C’est épouvantable ce que j’ai vu ! Le CHM est sous-doté. Il faut d’un côté étendre le site actuel et d’un autre, créer en urgence ce 2ème hôpital dont on parle. Il faudrait 12 salles d’opération, il n’y en a que 6, dont la moitié est utilisée pour la maternité. Tout est à l’avenant. Les élus doivent prendre leur responsabilité pour mener ces demandes. C’est le même problème que pour le manque de salles de classe qu’ils doivent construire, les élus locaux ne se mobilisent pas assez.
Vous faites référence à des avancées contenues dans le projet de loi Mayotte. Si on sait qu’elle ne sera pas votée par ce gouvernement, son examen au Parlement doit avoir lieu, or il est constamment reporté.
Laurent Berger : Nous allons demander une audience à Sébastien Lecornu sur ce sujet dès janvier. Il faut un calendrier clair, notamment sur sa mise en œuvre, avec un objectif intermédiaire sur une date donnée. Sur la convergence, un corps d’inspection a été saisi. Et il faut une mobilisation politique pour appuyer tout ça et des acteurs responsables, Medef, élus locaux, etc. Ils doivent mettre en place un conseil de suivi des mesures, notamment de la loi Mayotte.
Sur un territoire où 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté, l’INSEE indique que le fossé se creuse entre hauts et bas salaires. Votre réaction, vous qui portez un projet de société en métropole.
Laurent Berger : La contribution des hauts revenus au bien commun est posé. Les grosses entreprises doivent tenir des Négociation annuelles obligatoires. Et il faut plus largement intégrer ce territoire dans les grands défis nationaux, qu’ils soient écologiques ou autres. Cela permettra de produire de la richesse. C’est d’ailleurs le message que je délivrerai en conclusion. Aux élus de Mayotte, que tout ne tombe pas du ciel, et à l’Etat, qu’il faut arrêter de mettre un sparadrap sur une jambe de bois à Mayotte. »
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
* Confédération Française Démocratique du Travail
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