Si tout le monde a déjà entendu parler de l’illettrisme, qui touche plus d’un habitant de Mayotte sur deux, l’illectronisme est un mot plus récent, popularisé par la crise sanitaire en 2020 et entré dans le dictionnaire la même année. Cette notion est définie comme “l’état d’une personne qui ne maîtrise pas les compétences nécessaires à l’utilisation et à la création des ressources numériques”. A Mayotte, où le haut débit n’est présent que depuis une dizaine d’années, où la 3G puis la 4G ne sont déployées que depuis une demi-douzaine d’années, le numérique reste un outil éloigné d’une bonne partie de la population.
La crise sanitaire a été un électrochoc pour l’Etat mais aussi les acteurs associatifs, qui ont alors pris la mesure de l’impact de cette fracture numérique sur la population. En effet, 17% de la population nationale serait concernée selon l’Insee.
“Avec le Covid sont apparues des pertes de lien, des difficultés à remplir ses documents sur Internet, beaucoup d’administratif a été dématérialisé” témoigne Valérie Quentin, déléguée à la ligue de l ‘enseignement. “Ce projet a germé pendant la première phase du Covid où l’on était tous confinés. Nous-même à la Ligue on a eu du mal à garder le lien avec nos collègues, alors on s’est dit : si nous-même qui sommes un réseau, on rencontre des problèmes, qu’en est-il de la population ? Comment elle garde du lien, continue à faire ses démarches administrative ? Comment ne pas étouffer en restant chez soi ? C’est à ces besoins là qu’on essaye de répondre” explique-t-elle.
Dans les mois qui ont suivi, le Tiers-Lieu, situé dans les locaux de la Ligue de l’Enseignement, rue Soweto à Cavani, a pris forme.
Cinq salariés dédiés
“Aujourd’hui c’est l’inauguration du Tiers Lieu, un espace de vie que l’on aménage depuis plusieurs mois pour lutter contre l’illectronisme, et c’est destiné à tous les publics” salue son président Bacar Achiraf. Pour relever ce défi, des investissements conséquents ont été nécessaires. “On a des outils numériques : ordinateurs, PC et portables, qu’on peut utiliser sur site ou emporter vers le public qui ne peut se déplacer chez nous, et on aura aussi une imprimante 3D pour permettre aux jeunes de concevoir et réaliser des petits objets. On aura ça à la fin du mois en raison des retards de fret” indique le président de la Ligue. “La particularité du Tiers-lieu, c’est que c’est ouvert à la population du quartier et du territoire, et la population a son mot à dire, car le but est de répondre à ses besoins” souligne-t-il encore.
Sur l’organisation, l’accueil va se développer progressivement, le temps de finir de former les professionnels chargés d’accompagner les bénéficiaires.
” On a une équipe de 5 salariés, une chargée de mission, des conseillers numériques actuellement en formation et deux médiateurs numériques, chargés d’aller à la rencontre du public sur le terrain ou de les accueillir ici. On va dans un premier temps accueillir les gens en matinée pour expérimenter l’accueil puis on a prévu des créneaux pour les structures, associations ou institutions, ou encore des ateliers à notre initiative. On a notamment des parents qui sont intéressés par un atelier mais qui ne soit pas stigmatisant” poursuit le président.
Y.D.
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