Le trafic d’or (50.08 kg au total) à l’origine de leur arrestation pourrait également impliquer le directeur général des Aéroports des Comores (ADC), un douanier et des agents en charge de la sûreté placés depuis deux semaines sous mandat de dépôt à la prison de Moroni.
Les autorités comoriennes ont donc répondu favorablement la demande d’extradition des deux Malgaches arrêtés le 28 décembre dernier à l’Aéroport international Moroni Prince Said Ibrahim (AIMSI) pour trafic d’or présumé. Jeudi 13 janvier, à l’aube, le ministre malgache arrivé à Moroni pour la circonstance est rentré “satisfait” à Antananarivo avec les deux fugitifs présentés par la presse des deux pays comme faisant partie d’un réseau présumé de trafic d’or depuis plus de dix ans.
On apprend aussi la saisie “d’une quantité de drogue, deux armes et une somme de 17.000 euros”. Tout arrivait via la mer à bord de glacières jusqu’au large des côtes d’Anjouan. Des complices réceptionnaient ensuite l’or soigneusement dissimulé. Les trafiquants malgaches et leur comparse comorien arrivaient à l’aéroport et auraient bénéficié de la complicité des agents en charge de la sûreté aéroportuaire. L’or devrait être acheminé à Dubaï, selon la justice comorienne. Les services de renseignements comoriens avaient les trafiquants à l’œil et ordonneront à la Brigade de gendarmerie des transports aériens (Bgta) de les arrêter le 28 décembre.
Un réseau actif depuis plus de 10 ans
Selon des notes officielles, les deux hommes étaient activement recherchés par les autorités judiciaires malgaches dans le cadre d’une enquête pour trafic du métal jaune. Le réseau semble actif depuis plus d’une dizaine d’années. On parle d’ailleurs de “11 opérations illicites” enregistrées à l’aéroport des Comores entre septembre et décembre 2021. Le troisième homme, Ben Hassan Halimo, avait été cité dans d’autres trafics d’or aux Comores et en Afrique du Sud. Il est toujours recherché par la justice malgache.
“Les enquêtes, aussi bien en 2020 qu’en 2021, ont toujours révélé trois principaux éléments à l’origine de ce trafic : Ben Hassan Salimo, Azaly Failaza Pacheco et Pierre Stenny. Si les deux derniers ont été arrêtés par la gendarmerie comorienne, l’autre est toujours en fuite. Un avis de recherche a été établi à leur encontre par la police judiciaire malgache”, indique une note d’information du parquet de Moroni.
Moroni a justifié sa décision de livrer les deux prévenus en se fondant sur l’esprit et la lettre de la convention d’entraide judiciaire signée par les deux pays en 1976. Il y a d’ailleurs un an, les autorités comoriennes avaient demandé et obtenu l’extradition d’un ressortissant comorien nommé Inssa Mohamed alias Bobocha, recherché par la justice comorienne pour atteinte à la sûreté de l’Etat et projet d’attentat à Ndzuani (Anjouan) contre l’avion que devrait prendre le président Azali Assoumani à destination de Mwali (Mohéli).
Après la demande des autorités malgaches, le porte-parole du gouvernement comorien, Houmed M’saidie, avait évoqué le respect du principe de la réciprocité, précisant, il y a deux semaines, que cette extradition ne devrait pas poser problème “des lors que nos frères malgaches avaient fait autant pour nous en répondant favorablement à notre doléance sur le cas de Bobocha”.
Craintes et inquiétudes des avocats des Malgaches extradés
Les avocats comoriens qui défendaient les intérêts des deux Malgaches avaient fait savoir que les Comores n’étaient pas obligées d’accepter l’extradition, expliquant que l’infraction ayant été commise aux Comores, la justice comorienne pourrait bel et bien rester maître de l’information judiciaire ouverte à Moroni. Les deux Malgaches et leurs complices comoriens avaient été poursuivis, le 5 janvier, par le parquet de Moroni pour cinq chefs d’inculpation, à savoir “participation à un groupe criminel organisé, contrebande, intéressé à la fraude, abus de fonction, complicité et corruption”.
L’un de ces avocats, Me Aicham Itibar, avait notamment fait savoir que ces clients craignaient pour leurs vies, leurs conditions d’incarcération et leur droit à un procès équitable, ajoutant que la Grande Ile était pointée du doigt par des organisations internationales de défenses des droits humains. “Madagascar défraie la chronique internationale ces dernières années pour les graves manquements aux droits humains, allant de la torture des détenus devenue monnaie courante jusqu’à leurs homicides odieux”, avait-il souligné, citant un rapport d’Amnesty International en date de 2018.
Au sujet de la demande d’extradition, les autorités judiciaires comoriennes ont fait savoir que “les conventions internationales ont une valeur juridique suprême” que les lois nationales comme le code pénal. S’agissant de la suite de l’information judiciaire ouverte aux Comores et les conditions de détention des deux malgaches dans leur pays, le parquet de Moroni dit se fonder sur les garanties formelles émises par la délégation malgache.
“Madagascar a également assuré à la justice comorienne que les dispositions légales allaient être respectées et qu’une collaboration continue sera maintenue pour faire la lumière complète sur cette affaire de trafic illicite de lingots d’or”, précise la note du parquet qui ajoute que “la préoccupation de la partie comorienne, est de sécuriser les frontières et identifier tous les moyens de contrebande mis en œuvre par ce réseau” et que , “les autorités malgaches ont transmis des informations précieuses sur les membres du réseau identifiés à Madagascar”, permettant de “déterminer tous les probables complices de cette affaire qui gangrène depuis 2012”.
Face aux suspicions qui pèsent sur le directeur de ADC et des autres agents, “l’extradition (des deux malgaches, ndlr) n’a pas mis fin à la procédure d’information ouverte à Moroni le 5 janvier 2022”, a assuré le procureur de la République, Ali Mohamed Djounaid.
A.S.Kemba, Moroni
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