Les affaires de violences conjugales restent pléthores à Mayotte, il n’y a là aucun secret. Alors, lorsque le tribunal se saisit d’une de ces affaires difficiles à juger, l’un de ces cas rendus complexes par les impondérables du huis clos, les difficultés inhérentes à l’absence de témoins et à la multiplicité des versions, il s’agit d’en rendre compte, témoignage prépondérant dans la perception et la compréhension d’une époque et d’une culture donnée.
Le 28 décembre dernier, un homme s’en prenait violemment à l’une de ses deux conjointes, et la police de Mamoudzou était contactée. Une fois sur place, les enquêteurs trouvaient une femme ensanglantée, laquelle racontait s’être fait agresser par son mari, après une soirée alcoolisée. Le jour des faits, le mari était chez son autre femme, où la victime – sa femme principale- l’aurait rejoint. Là-bas, l’agressivité est de mise, bien que la chronologie des faits soit chaotique, du moins l’était au tribunal. Celui-ci lui aurait dit « dégage sinon je te tue » en la saisissant à la gorge. « La strangulation était si violente, je me suis sentie partir » précisait la victime, présente à l’audience. Celle-ci aurait été repoussée dans l’escalier, retenue dans sa chute par une autre femme. Folle de rage, la compagne aurait poussé la moto du prévenu sur le sol, provoquant l’ire de ce dernier. Celui-ci serait descendu, et aurait déclaré : ” Qu’est qui lui donne le droit de pousser ma moto, elle veut mourir ou quoi ?”.
La procédure prouvera que ce n’était pas là la première fois que le conjoint se montrait violent, mais bien la quatrième. Et l’avant dernière fois aura été la plus marquante, les faits se déroulant alors que la jeune femme était enceinte de huit mois. Les photos présentées par la présidente de l’audience en diront d’ailleurs long, révélant des festivals de couleurs bariolées sur ce qui s’apparentait être des organes humains. « Je ne sais pas si j’ai serré fort son cou… à mon avis pas trop » déclarait le prévenu. « Alors elle ne partage pas votre avis la dame. Elle s’est sentie partir” rétorquait la juge.
La victime, se constituant partie civile, demandera la somme de 4000 euros en termes de préjudice physique, et 1500 euros au titre du préjudice moral.
Dans ses réquisitions, le substitut du procureur expliquera les difficultés d’un tel cas. « Il y a toujours, dans les affaires de violences conjugales, une interrogation puisque ce sont des choses qui se passent dans l’intimité, le huis clos”. Il évoquera la « hantise du parquetier », celle de voir la réitération des fats, de voir des victimes qui restent sous emprise malgré leur statut de victimes, au gré de « personnalités prédatrices ». Il précisera : ” une femme n’est pas un objet, c’est un sujet qui est conscient, c’est un sujet qui a des droits “. Selon le parquetier, frapper une femme relève d’un symbole d’immaturité, mais aussi de faiblesse : un acte « lâche et condamnable » face auquel le substitut demandera un sursis probatoire de deux ans.
” Renoncez à la violence, ou alors vous découvrirez la violence institutionnelle, celle dont la justice est capable. Et à ce petit jeu vous serez nécessairement perdant”, déclarait-il fermement.
Finalement, le tribunal reconnaîtra le prévenu coupable d’une peine de 18 mois d’emprisonnement, dont 16 mois assortis de sursis probatoire, ainsi qu’un mandat de dépôt, une obligation de soin, d’indemnisation de la victime, une obligation de travail, un stage de sensibilisation contre les violences conjugales (demandé par son avocate Me Ousseni elle-même) etc. Et ce, assorti d’une condamnation à verser la somme de 800 euros au titre du préjudice moral à la victime, et 1000 euros pour le préjudice physique. Le prévenu repartait ainsi, menottes aux poings, en direction du centre pénitencier de Majicavo.
Mathieu Janvier
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