Si les Naturalistes de Mayotte déplorent que le projet de loi Mayotte soit « presque totalement muet sur les enjeux environnementaux et démographiques de l’île », les « 85 solutions pour développer Mayotte » ne font guère mieux puisqu’elle évoquent des mesures déjà mises en œuvre, comme la création d’une Réserve naturelle nationale (mesure 57), le Pan de protection des tortues (58).
C’est que les urgences sont nombreuses à Mayotte, et que face au déficit d’infrastructures et de mesure, l’environnement a été passé à la trappe. A tort, puisque les négligences se paient, on l’a vu avec le déboisement du couvert forestier autour des rivières qui favorise l’évaporation de l’eau.
Et l’explosion démographique soulignée comme « non maitrisée », est notamment pointée du doigt par l’association, « selon les prévisions de l’INSEE pour 2050, entre 440.000 et 760.000 habitants selon que l’immigration sera ou non maitrisée ». L’impact sur les politiques publiques est à la hauteur de celui sur les espaces naturels, « pourtant réputés pour leur intérêt et leur biodiversité » : « La forêt régresse au point que la ressource en eau diminue (au 20 janvier chaque village de l’île connait depuis deux mois et demi deux jours de coupure d’eau par semaine), les brûlis et l’érosion fragilisent les sols, le lagon et les récifs coralliens sont pollués par 20.000 tonnes de terre arrachées par l’érosion », etc.
Pas d’écho de la COP
Cet oubli de l’environnement reflète le manque d’ambition pour le territoire croit-on lire entre les lignes, puisqu’il est fait état du taux inchangé des énergie fossile dans l’ensemble des énergies utilisées à Mayotte, depuis des années, 96%, « les objectifs de réduction de l’empreinte carbone que la France s’est pourtant engagée à mettre en œuvre lors de la COP 21 sont totalement ignorés ».
La préoccupation du moment, c’est le risque volcan, renforcé par l’éruption du Tonga dans le Pacifique sud. On sait qu’un potentiel tsunami est craint, et des alertes ont été mises en place, mais comme le souligne l’association, aucune mesure d’envergure n’a été prise pour protéger les littoraux, où vit la majeure partie des habitants, concernés par la submersion marine « aggravée par l’affaissement de l’île dû au volcan » : « Un jour ou l’autre nous serons affectés par des risques naturels d’ inondation, de submersion marine, voire de tsunami : on regrettera à ce moment-là d’avoir trop négligé la préservation des mangroves et des arrière-mangroves qui sont les meilleures barrières naturelles face à ces phénomènes exceptionnels. »
Le rôle imparti à l’Etat est conséquent dans ce domaine de protection civile. Si beaucoup a été fait en terme d’alerte et d’identification des points hauts de refuge, les Naturalistes avancent 6 actions :
– Stopper net les déboisements (autour de 300 ha par an) et engager une ambitieuse politique de replantation de forêts pour accroître la ressource en eau et reconquérir la biodiversité,
– Créer des aires de protection forte pour veiller à ce que les espaces naturels de haute valeur patrimoniale (particulièrement en zone de forêt sèche et d’arrière-mangrove) puissent être préservés pour leur fonction écologique et dans l’intérêt des générations futures,
– Mener une véritable impulsion en matière d’énergies renouvelables (développement du solaire, recherches sur les énergies marines, surtaxation des chauffe-eau électriques…)
– Elaborer un programme de protection, voire de replantation des mangroves et arrière-mangroves ainsi que des récifs coralliens pour protéger nos littoraux et les populations qui y vivent,
– Encourager les pratiques et savoir-faire locaux respectueux de l’environnement (bouteilles consignées, jardin mahorais, construction en brique de terre compressée…),
– Développer une active politique d’assainissement alors qu’aujourd’hui les trois-quarts des foyers ne sont pas reliés à une station d’épuration, c’est un enjeu de santé publique et de qualité des eaux des rivières et du lagon.
A.P-L.
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