“Il m’a dit aujourd’hui je vais te baiser, il m’a touché les seins et a mis sa main dans mon pantalon, il m’a suivie en disant des obscénités”. Le témoignage de la victime, absente à la barre et lu par la présidente, donne une idée du traumatisme qu’a pu générer sa rencontre avec le jeune homme qui l’a agressée ce 17 mai 2020. Tous deux marchaient sur le boulevard des Crabes en Petite Terre, quand le jeune homme a perdu la tête. Souffrant de schizophrénie, et confronté à un traitement “trop fort”, ce dernier avait décidé peu avant de stopper ses médicaments. C’est sans doute ce qui l’a conduit à entrer dans une phase de psychose, à détruire une partie de la maison de ses parents, et à proférer des obscénités sur la voie publique, entre deux phases de prières intenses. Un trouble mental sans doute aggravé aussi par le jeûne très strict que le jeune garçon, pieux, s’était imposé malgré son état de santé fragile. Une combinaison de facteurs qui l’a conduit ce jour-là à agresser une dame, et à proposer aux gendarmes de passage de leur “montrer [sa] bite” et de “coucher” avec lui. Des photos prises par la victime le montrent hilare, faisant des gestes triomphants.
“Je ne suis pas fou” assure le jeune homme, penaud, à la barre du tribunal où il était jugé pour cette agression sexuelle. Tout en admettant avoir peu de souvenirs de cette journée où il n’était pas dans son “état normal”.
Fou, peut-être pas, mais malade oui, selon le psychiatre qui l’a examiné et qui a posé un diagnostic de schizophrénie avec une “tonalité persécutoire” et “une rechute de psychose suite à l’arrêt du traitement aggravé par le ramadan durant lequel il s’est imposé un jeune strict doublé d’un gros manque de sommeil”. Un cumul désastreux face auquel le praticien conclut à une “altération du discernement” et préconise “un traitement au long cours”.
Pour son avocat, Me Andjilani, ce jeune homme n’est qu’un des nombreux malades psychiques mal pris en charge à Mayotte. Et pas besoin d’aller chercher loin du tribunal pour s’en rendre compte.
“Vous la voyez en venant travailler” dit-il aux juges, “Sur un rond point, il y a une dame qui vit parfois habillée, parfois nue. Dans les rues, il y a nombre de personnes qui souffrent de problèmes psychiatriques, le jour où ils se saisiront d’une arme, je mets au défi tout psychiatre de les arrêter. Dire qu’il était irresponsable, ce n’est pas dire qu’il ne s’est rien passé (…) on a un garçon qui à ce moment là était dans une situation que seul un psychiatre peut décrire.
Une analyse partagée avec le ministère public. Pour le substitut du procureur, le prévenu n’avait ce jour-là “pas la liberté personnelle de décider de ce qu’il faisait ou pas. A mon sens il y a lieu de le déclarer irresponsable pénalement, sa place n’est certainement pas en détention mais plutôt dans une structure de soins, le passage de la métropole à Mayotte n’a pas été très aidant en ce sens” estime-t-il, préconisant “une structure de soins en métropole”.
Les juges ont suivi ces avis concordants en déclarant le prévenu irresponsable pénalement, et en le relaxant pour ce motif. Mais la structure de soins adaptés devra attendre. Le jeune homme est détenu dans le cadre d’une autre enquête visant des faits également de nature sexuelle, datant de janvier 2021.
En attendant de rejoindre une structure plus adaptée, il prend au moins en prison le traitement qu’il avait abandonné dehors.
Y.D.
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