Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure, Interstats, annoncé comme indépendant du ministère, vient de publier les chiffres de la délinquance en 2021. Ils traduisent une aggravation, tirés vers le haut par les violences sexuelles, +33% et les violences intrafamiliales, +14%. Ces deux tendances sur lesquelles Interstats avait déjà livré un premier rush, « s’inscrivent dans le contexte de la libération de la parole et de la meilleure prise en considération de ce sujet par les forces de l’ordre, priorité du gouvernement depuis le début du quinquennat », commente le ministre Darmanin. Il souligne par ailleurs la baisse nationale des vols avec ou sans arme, respectivement -2% et -6%.
Quelque soit l’acte de délinquance, la courbe sur ces 13 dernières années, plonge littéralement sur le 1er confinement de 2020, avec un rattrapage à niveau ensuite et une poursuite de la tendance antérieure, à la hausse pour les violences sexuelles, à la baisse pour les vols.
Les violences au sein du ménage encore taboues
Bien sûr, les tendances décrites dans l’analyse sont contrastées en fonction des départements. Et cet opus est une première en ce sens qu’il intègre les Départements d’Outre-mer, et non plus seulement la France métropolitaine. Il est également complété par l’enquête de victimation « Cadre de vie et sécurité », qui mentionne tous les actes de délinquance, qu’il y ait eu ou pas dépôt de plainte. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les taux de dépôt de plainte diffèrent en fonction des actes commis. On dépose davantage plainte pour un cambriolage (72% le font) ou un vol de voiture (91%) que des vols avec violence (40%, en hausse néanmoins) ou des violences physiques ou sexuelles au sein du ménage (11%). Nous avions déjà évoqué ce déficit de dépôt de plainte à Mayotte en soulignant que les DOM étaient particulièrement touchés par ces violences.
Sur le plan des homicides enregistrés par la police et la gendarmerie, leur taux par habitant est plus élevé dans les départements ultramarins qu’en métropole. En cumul sur les trois dernières années, il atteint notamment 0,13 homicide pour 1.000 habitants en Guyane, 0,07 en Guadeloupe, 0,06 en Martinique et 0,05 à Mayotte, contre 0,02 homicide pour 1.000 habitants en moyenne sur toute la France.
Le nombre de victimes de violences intrafamiliales enregistrées est bien plus élevé en 2021 qu’en 2020 pour 87 départements. C’est le cas du Lot-et-Garonne et de Mayotte, « ils enregistrent de très fortes hausses en 2021, de plus de 40 % par rapport à 2020 », contre une hausse nationale de 14%. Quand on sait que 1 personne sur 10 environ dépose plainte pour ce type de violence, on se dit que ce chiffre cache encore bien des drames.
Secouons-nous !
Par rapport à 2020, le nombre de violences sexuelles enregistrées augmente fortement en 2021 dans l’ensemble des régions françaises, notamment de façon plus marquée en Guadeloupe (+58 %), à Mayotte (+54 %) et en Martinique (+49 %) que sur l’ensemble du territoire (+33 %).
Le recul national du nombre de vols avec armes enregistrés s’explique majoritairement par la baisse du nombre de vols commis en Île-de-France en 2021 par rapport à 2020. En 2021, quatre DROM enregistrent un nombre de vols avec armes par habitant bien supérieur à la moyenne nationale (0,13 ‰) : Guyane (3,6 ‰), Mayotte (2,1 ‰), Guadeloupe et Martinique (0,7 ‰).
Mayotte qui apparaissait en queue de peloton des statistiques nationales de délinquance il y a 10 ans, s’affiche désormais en tête, et avec des tendances en hausse d’une année sur l’autre. Ces pourcentages plaqués sur notre territoire, ou ces couleurs qu’on aurait aimé plus pâles, font éclater une réalité sociale qu’il faut prendre en compte. Le chemin vers la délinquance se dessine, prend naissance au cœur des maisons avec les violences à l’intérieur des familles, sexuelles ou non – une hausse de 40 à 50%, c’est énorme – déstabilisant les jeunes, qu’ils soient victimes ou témoins, en les laissant peu à peu sur le bas côté d’une société à qui ils en voudront pour le restant de leurs jours de ne pas les avoir assez aimés, les incitant à basculer à leur tour dans la délinquance, à se déscolariser et à prendre les armes.
Des violences qu’il faut dénoncer si on ne veut pas que la situation s’envenime. Se taire, c’est consentir à ce que la situation se dégrade un peu plus.
Anne Perzo-Lafond
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