Trois grandes missions
A Mayotte, les missions de la protection judiciaire de la jeunesse ne sont pas différentes de celles de la métropole. C’est ce que nous explique Hugues Makengo, directeur territorial de la PJJ, qui nous en présente les tenants et aboutissants. La structure est ainsi chargée de trois grandes missions principales. Le milieu ouvert d’abord, avec les services territoriaux chargés du suivi de l’ensemble des jeunes pris en charge par la PJJ : « Les jeunes chez leurs parents, dans les foyers, dans les lieux de placement judiciaire, et même les jeunes en incarcération : tous ont leur éducateur ».
Autre mission, le placement judiciaire, avec les différents dispositifs de placement. « L’idée c’est de placer graduellement un jeune en fonction de son évolution, positive ou négative ». Un régime progressif avec des familles d’accueil ( au nombre de 30 sur le territoire) est ainsi privilégié.
Enfin, dernière mission, le placement classique dans les unités d’hébergement classiques. C’est le cas du Dago, un établissement de placement éducatif de 12 places confié aux soins de Mlézi Maoré, ne concernant que des jeunes placés dans un cadre pénal.
A ceci s’ajoute le centre éducatif renforcé de Bandrélé, d’une capacité de 8 places, avec des sessions de 4 mois et demi et là encore géré par Mlézi Maoré.
Des missions similaires à celles des PJJ de métropole à l’exception d’un point particulier : « Un jeune suivi par la PJJ est obligatoirement confié par un magistrat, majoritairement par le juge des enfants », explique M. Makengo. Mais l’exception mahoraise, c’est l’importance des dossiers criminels, entraînant un grand nombre de placements ordonnés par le juge d’instruction. Dans les autres territoires, si sur 100 enfants 75 sont placés par le juge des enfants et 25 par un juge d’instruction, les chiffres atteignent plutôt les 45-55 dans le 101ème département. « La difficulté aussi, c’est que derrière un dossier criminel, il peut y avoir une multitude de jeunes qui agissent en groupe dont certains finissent en incarcération et d’autres dans les différents dispositifs » précise le directeur.
Le code de la justice pénale des mineurs, pour “accélérer la réponse judiciaire”
Jusqu’au 30 septembre dernier, le régime de l’ordonnance de 45 prévalait, en attendant la prononciation d’une peine. Désormais, le code de la justice pénale des mineurs est en place, représentant un « nouveau paradigme ». Celui-ci permet d’aller plus vite, « d’apporter la célérité dans l’action de la justice et dans la réponse judiciaire ». Un outil permettant aux éducateurs d’adapter leurs pratiques et éducatives, et leurs méthodes d’accompagnement : « Nous avons face à nous des jeunes pour qui les faits ne sont plus supposés mais reconnus ».
Ainsi à partir du mois d’avril, il y aura beaucoup de suivis post-sentenciels, et davantage de jeunes condamnés : « Jusque-là ce qu’on pouvait reprocher à la justice des mineurs, c’est sa lenteur. Un grand nombre de jeunes qui devenaient multirécidivistes et n’étaient pas encore jugés sur les premiers faits » explique le directeur territorial. Ainsi dans les neuf mois après les faits, la peine sera désormais connue. « Cela répond aussi à ce sentiment d’impunité. Il est vrai que si un jeune commet plusieurs faits, il peut avoir ce sentiment. Mais ils finissent toujours par être sanctionnés ». Il reprend : « la célérité de réponse va je l’espère donner plus de clarté au niveau de l’opinion, et l’opinion je l’espère va palper de près les réponses judiciaires qui ne relèvent pas que de l’incarcération ».
Différents dispositifs d’insertion
Pour accomplir ses missions, la PJJ passe par plusieurs dispositifs dédiés aux jeunes. « Ici à Mayotte, on a choisi les acteurs associatifs de l’insertion pour permettre à nos services d’avoir des réponses plus efficaces » explique Hugues Makengo. Ainsi, un programme de prise en charge contre les rixes et la violence vient d’être mis en place avec l’association Mayotte Nouveau Départ, centré sur la maitrise de soi via l’art, et l’expression artistique. Il s’ajoute à des programmes d’action de citoyenneté et de prévention de la récidive avec l’association MAN, ou encore des stages avec l’école d’insertion maritime.
Depuis 2019, la PJJ a mis en place des mesures éducatives via les activités de jour, avec Les Apprentis d’Auteuil, pour permettre à des jeunes non scolarisés et sans emplois d’aller vers l’insertion. Et ce à raison d’une capacité de 450 postes proposés à des jeunes par an.
« Ce que nous développons, c’est toujours pour répondre aux besoins judiciaires mais en nous adaptant aussi aux spécificités du territoire, explique Hugues Makengo. (…) et paradoxalement, on est le territoire ou les activités de jour marchent le mieux, il y a une vraie adhésion, les jeunes sont présents ».
Peu de récidive pendant l’accompagnement
Qu’en est-il de l’efficacité de ces accompagnements ? Et comment la mesurer ? Selon le directeur de la PJJ, moins de 10% de jeunes récidivent pendant leur prise en charge, qu’il s’agisse des lieux de placement ou des lieux d’activités de jour. « Cependant le danger, c’est lorsque la prise en charge se finit ». C’est pour cela que les accompagnateurs vont miser sur la motivation, pousser le jeune à l’insertion mais aussi le faire travailler sur son rapport à la loi, son rapport à la victime, et tenter de mettre fin à la banalisation de tels actes. « Cela permet de voir des jeunes qui verbalisent et regrettent leur acte » précise M Makengo.
Durant l’année 2021, de nombreux faits médiatisés étaient perpétrés par des mineurs, dont certains homicides. Lorsqu’un jeune est interpellé et mis en garde à vue, c’est aux éducateurs de la PJJ de formuler une proposition pour l’aide à la décision judiciaire. Ces propositions sont faites en tenant compte du profil, mais aussi du parcours du mineur en question. En 2021, pas moins de 160 mineurs étaient concernés par ces recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE). La situation familiale du jeune y est passée au crible, à l’instar de son parcours scolaire, l’on cherche à comprendre les motivations face à l’acte reproché. Puis, en aval de la proposition, le magistrat décidera de suivre ou non les recommandations de la PJJ. « Le but de l’éducateur, c’est de voir s’il est possible d’éviter l’incarcération » explique M Makengo. Puis le jeune sera suivi par les services de la PJJ, lesquels sont chargés de faire des rapports réguliers au juge des enfants. Pour une mesure de placement, cela doit être fait tous les six mois. En 2020, 136 jeunes étaient ainsi accompagnés par la protection judiciaire de la jeunesse à Mayotte.
Pas encore de centre éducatif fermé à Mayotte ?
En théorie, les jeunes peuvent être placés sur tout le territoire national. « C’est facile à dire quand on est à Paris » déclare le directeur de la PJJ. A Mayotte, la problématique de l’éloignement est réelle. Chaque année, près d’une dizaine de jeunes sont placés en métropole, que ce soit pour des raisons de prise en charge pour la santé mentale, ou parce que leurs familles y résident. A La Réunion, dans l’année, l’on recense une trentaine de jeunes placés dans les différents dispositifs. Sur les 72 places disponibles à l’année, « les jeunes mahorais venant de Mayotte occupent plus de 56% ». Toujours en théorie, le Centre éducatif de Mayotte est également utilisable par La Réunion, bien que la demande n’ait encore jamais été faite. Quant au fameux premier centre éducatif fermé du 101ème département, il faudra attendre de nouvelles annonces gouvernementales pour en savoir plus…
Mathieu Janvier
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